Manager ses anciens collègues : le guide de survie
Manager ses anciens collègues, ce sont des choses qui arrivent souvent. Pourquoi chercher ailleurs quand on peut promouvoir en interne un profil compétent ? À charge cependant, pour l’intéressé·e, de savoir négocier ce virage professionnel et humain avec le reste de l’équipe.
- Avant sa prise de poste : préparer la transition
- Manager ses anciens collègues et faire à nouveau connaissance
- Se lancer et réussir sa prise de poste
- Manager ses anciens collègues… qui étaient parfois des amis
- Comment la formation peut accompagner sa prise de poste
- Comment réagir à des situations particulières et courantes
- Manager ses anciens collègues : et quand ça bloque ?
Avant sa prise de poste : préparer la transition
Les questions à poser à la direction
Manager ses anciens collègues suppose un minimum de préparation. « Manager ses anciens collègues, c’est faire une mue et ne pas brûler certaines étapes », prévient Annette Chazoule, manager de l’Offre Management et Changement chez Cegos. Pour cette experte, il faut d’abord clarifier certaines choses avec sa direction : pourquoi on a été choisi·e- et éventuellement face à qui parmi ses anciens collègues - avec quelles attentes et comment on va fonctionner ensemble. « Il faut se poser les questions que sa future équipe se posera aussi. »
Les questions à se poser
Se préparer, c’est aussi se demander tout ce qui va changer dans sa vie professionnelle. « C’est une réflexion sur l’image de soi et sa façon de travailler, à mener idéalement avec un pair ou un mentor. » L’enjeu est d’établir un pré-diagnostic des risques et opportunités à venir, de ce qui va être plus ou moins difficile à gérer avec la nouvelle équipe. « Il faut tout anticiper et se chercher de nouveaux alliés dans d’autres sphères. »
L’annonce de la prise de poste à l’équipe
Après ces préalables, arrive le moment de l’annonce. « Selon moi, elle ne doit pas venir du nouveau ou de la nouvelle manager, préconise notre spécialiste. Pour asseoir sa nouvelle légitimité, l’annonce doit émaner de la direction vers l’équipe concernée et réunie. » Et l’"élu·e", de son côté, doit se garder de dévoiler la nouvelle à ses anciens amis. « Tout le monde doit être désormais traité de la même façon. »
Manager ses anciens collègues et faire à nouveau connaissance
Une fois l’annonce officielle, à charge pour l’intéressé·e d’incarner sa nouvelle fonction. « Même s’il y a plusieurs écoles, je recommande plutôt de commencer par des entretiens individuelsplutôt que par une prise de parole collective, note Annette Chazoule. Mieux vaut éviter de se placer tout de suite en face d’un collectif sans avoir mesuré les réticences de certains ou les ressentiments d’autres. C’est prendre le risque de s’exposer à des jeux d’influence. » Il est donc recommandé de "défricher" le terrain avant.
Pour notre experte, c’est par l’écoute de ses anciens collègues qu’un·e manager va incarner sa nouvelle fonction. « En prenant du temps avec chacun, on va aussi dépasser l’image que l’on avait de certains de ses anciens collègues. C’est l’occasion de voir ce qu’ils attendent, comment ils voudraient travailler, ce qu’ils aimeraient changer. » Cela permettra de désamorcer des problèmes à venir. Et c’est aussi le moment idéal de clarifier les relations à venir avec ses anciens amis. « Il faudra établir clairement de nouvelles règles au travail. On pourra rester proches en dehors à condition d’éviter certains sujets par exemple. »
Pour compléter ces entretiens individuels, Annette Chazoule recommande de se rapprocher des ressources humaines ou d’anciens managers pour mieux comprendre son équipe. « Il est intéressant d’aller chercher l’histoire de chacun dans l’organisation pour sortir de ses biais de perception. »
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Se lancer et réussir sa prise de poste
Le moment est alors venu d’organiser sa première réunion d’équipe fondatrice. « Il faut aller droit au but et exposer sa mission et son projet. Et il faut aborder tout de suite les nouvelles règles du jeu et comment on va travailler ensemble. » C’est le moment où l’on peut imprimer sa marque et poser son cadre. « Sans dénigrer l’ancien management, il faut parvenir à se démarquer. On peut éviter des formules toutes faites comme "ma porte est toujours ouverte" et proposer des créneaux de rencontres ou de nouveaux projets collaboratifs innovants. »
Pour réussir sa prise de poste face à ses anciens collègues, on devra aussi se fixer un calendrier. « À peine installé·e, on a environ un mois pour imprimer sa marque. Ensuite, on consolide les six mois d’après. » Il faut aussi mettre en pratique ce qu’on s’est fixé lors des entretiens individuels et prendre vraiment de la distance avec ses anciens amis, faire le deuil d’une proximité affective. « Dès lors que l’on représente la direction, l’enjeu est de conserver une neutralité managériale et d’accepter d’être critiqué·e. »
Manager ses anciens collègues… qui étaient parfois des amis
Les amitiés, au travail, se conjuguent-elles forcément au passé dès lors que l’on prend de la hauteur dans l’organigramme ? Pas nécessairement. Cependant, rien ne sera comme avant. « Manager ses anciens collègues, c’est changer d’identité professionnelle, rappelle Annette Chazoule. Le poste implique de traiter toute l’équipe de façon équitable, ce qui exclut des moments trop privilégiés sur le lieu de travail. »
En pratique, il faudra éviter les tête-à-tête à la cantine et surtout les confidences à la machine à café. « La pire erreur serait de dire à un ami que sa nomination ne change rien car elle change tout. » Si amitié solide il y a, à charge pour chacun·e de jouer le jeu pour préserver cette relation. « Il n’est pas interdit de se voir en dehors du travail comme avant. Il faut juste accepter que certains sujets seront proscrits. » On ne peut plus étaler ses états d’âmes, pas plus que l’on ne peut partager des informations sensibles, même sous le sceau du secret.
Notre experte cite également un autre écueil à éviter. « Attention aussi au piège des pseudo "alliances". Un ami peut vous proposer de vous raconter ce qui se passe dans l’équipe. Cela peut être très tentant mais il faut s’en protéger. Ce n’est sain ni pour vous ni pour lui. Ce qui se passe dans l’équipe doit rester dans l’équipe. » Prendre de la hauteur et de la distance, encore et toujours
Comment la formation peut accompagner sa prise de poste
Avant ou pendant sa prise de fonction, il peut être intéressant de se faire accompagner. « Certaines formations brèves de trois jours sont recommandées avant une prise de poste. Il existe même des formations d’une journée sur la thématique "Manager ses anciens collègues" utiles pour aborder, durant la première année, des problèmes qui n’auraient pas été anticipés. »
Parmi les enseignements proposés : comment prendre une bonne posture, choisir la bonne distance. « Grâce à des mises en situation, on aborde mieux certains enjeux, comme ne pas donner plus d’importance à un collaborateur avec qui on avait, avant, des rapports privilégiés. Il s’agit d’apprendre à être le plus équitable possible dans son traitement des gens. C’est essentiel pour asseoir sa légitimité. »
D’une façon ou d’une autre, il faut incarner le changement. On ne mange plus avec les mêmes tous les jours et, naturellement, on se crée un autre groupe.
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Comment réagir à des situations particulières et courantes
Manager ses anciens collègues, c’est s’exposer à des critiques et à certains pièges. Annette Chazoule décrypte ici quelques scénarios courants, vus sur le terrain.
Un membre de l'équipe voulait le poste et conteste votre légitimité ?
« Il ne faut pas trop en tenir compte, ne surtout pas chercher à se justifier et travailler. Beaucoup de femmes se demandent ainsi, à tort, si elles sont légitimes. Il faut aussi se dire que si on est là, c’est qu’il y a une bonne raison. » Ensuite, seulement si le malaise persiste, un entretien individuel et un recadrage s’imposent. « On peut prendre acte du désaccord, le dépasser et surtout voir comment travailler ensemble. »
Un expert vous challenge sur un sujet ?
« Il y aura sûrement un ancien collègue, au profil très expert, qui essaiera de pointer une lacune ou faiblesse sur un sujet. Là encore, inutile de relever et surtout pas besoin de se justifier. Il faut juste continuer à travailler en équipe en s’appuyant sur les forces de chacun. »
Vous êtes très ami·e avec un membre de l'équipe et vous avez du mal à le gérer ?
« La transition ne sera peut-être pas immédiate. Là aussi, il faut souvent rappeler les règles et régulièrement reposer le cadre, quitte à passer par un entretien formel. »
On vous accuse de favoritisme ?
« Cela arrive souvent et c’est généralement complètement gratuit. Le risque, au contraire, est d’accepter d’en discuter. Il suffit de clore le débat en rappelant que l’on cherche à être équitable avec tout le monde. Si on en fait un sujet, on se perd. »
Manager ses anciens collègues : et quand ça bloque ?
« Tous les trois mois, la première année, il faut évaluer ses relations avec chaque collaborateur, identifier les relations les plus compliquées et identifier où trouver de l’aide, préconise Annette Chazoule. Cela peut être un pair ou son n+1. Il y a des situations où il faut être accompagné·e, et surtout ne pas penser que cela va se résoudre tout seul. Si le problème n’est pas traité, il sera exacerbé. »
Il n’est jamais trop tard, non plus, pour suivre certaines formations. « Je vois beaucoup de nouveaux managers qui viennent se former sur la délégation. C’est typiquement un bon levier managérial qui soulage et valorise ses collaborateurs. Cela peut aussi faire émerger des potentiels au sein de ses anciens collègues et s’appuyer sur eux. »
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