Développer les soft skills des agents pour la transformation durable des administrations
Dans un environnement en perpétuelle évolution, les seules compétences techniques ne suffisent plus. Comme les salariés du privé, les agents publics doivent développer leurs compétences comportementales transversales. Connues sous le terme anglais de soft skills, ces compétences sont un avantage pour rendre les administrations et les services publics plus agiles et performants.
L’incertitude et la complexité irriguent la société et le monde du travail. L’accélération des transformations oblige les administrations à évoluer en continu et leurs agents à s’adapter aux modifications de leur poste, de leur métier et de leur environnement professionnel. Pas étonnant que les employeurs, publics comme privés, s’intéressent aujourd’hui de plus en plus aux soft skills. « Il s’agit de compétences transverses et transférables, qui ont de l’impact quel que soit le métier ou l’activité, et donnent de la capacité à s’adapter dans un contexte mouvant. On pourrait presque parler de "power skills" », avance Grégory Gallic, manager de l'offre Efficacité professionnelle au sein du Groupe Cegos.
Cet ensemble d’aptitudes relationnelles, situationnelles et émotionnelles renvoie à la communication, l’adaptabilité, la créativité, l’esprit d’initiative, la rigueur, la collaboration, l’organisation du temps et la maîtrise des priorités, au leadership ou encore, plus largement, à la capacité à apprendre. « On sort du carcan de la fiche de poste ! », explique Grégory Gallic. Les soft skills servent notamment à faire adopter plus rapidement de nouvelles règles et pratiques de travail, à booster l’intelligence collective et à faciliter la mobilité interne.
Un nécessaire travail sur soi
Distinctes des qualités intrinsèques et de la personnalité, ces compétences peuvent s’acquérir et se développer. « Il est plus facile d’apprendre des techniques que d’acquérir des soft skills, reconnaît Grégory Gallic. Mais il n’y a pas de fatalité, rien n’est figé. Cela passe par une meilleure connaissance de soi et exige de l’investissement personnel, voire un travail d’introspection ». Acquérir et développer des soft skills nécessitent donc une prise de conscience personnelle de ses comportements et de leurs impacts, une volonté de mobilisation pour évoluer, mais aussi de la pratique et du temps.
Il est possible de se former pour apprendre, entre autres, à adapter sa communication dans les relations professionnelles, mettre son énergie au bon endroit ou réussir à s’affirmer avec calme et maîtrise. Les modèles de formation centrés sur l’expérimentation, le feedback, les entrainements par simulation, contribueront à développer les compétences transversales. Il est ensuite nécessaire d’offrir aux agents des opportunités de mise en œuvre et de les accompagner dans leur pratique. Il revient en particulier aux managers de soutenir leurs collaborateurs dans l’exploration de leurs expériences, tant professionnelles qu’extraprofessionnelles.
Créer un contexte favorable pour développer les soft skills
Inscrit au plan de formation, le développement des soft skills doit aussi être intégré à chaque projet. L’administration elle-même doit se transformer pour créer un contexte de travail et un environnement organisationnel propices. Cela peut passer aussi par le fait d’inclure dans les missions des possibilités d’appropriation personnelle du poste, par l’exploration d’autres métiers et missions.
Le rapport « Les soft skills pour innover et transformer les organisations », publié en mai 2022 par France Stratégie et l’Institut pour la transformation de l’innovation, formule des recommandations visant à développer les soft skills à la fois à l’échelle de l’individu, du collectif de travail et de l’organisation. Il s’appuie sur des travaux en psychologie de la personnalité, en sciences de gestion et en sociologie, ainsi que sur des témoignages d’intrapreneurs, de managers et de startupers (Lire encadré).
Dans la foulée du rapport, la communauté Futurs publics, animée par la Direction interministérielle à la transformation publique (DITP), s’est réunie le 28 juin lors d’un atelier qui a permis de faire le point sur les recherches en cours autour des soft skills appliqués à la transformation publique. Un groupe LinkedIn a été créé afin de prolonger la discussion sur le sujet. De quoi donner aux administrations matière à réfléchir et à agir.
À la recherche des compétences clés
Mais comment alors détecter les soft skills chez les candidats ? Il est nécessaire en amont d’identifier clairement, dans chaque fiche de poste, les compétences transversales requises pour l’emploi et de les classer selon leur importance. Certains soft skills seront visibles à travers du CV et de la lettre de motivation. Mais c’est la posture du candidat pendant l’entretien d’embauche qui fournit les meilleurs indices : la manière dont il s’investit et interagit, la précision avec laquelle il répond aux questions.
Pour cerner ses habiletés, il est indispensable de le mettre à l’aise et lui poser des questions, ou le mettre en situation, qui permettent d’évaluer sa capacité d’adaptation et à se remettre en question, sa créativité, sa curiosité, son relationnel, sa proactivité, son sens d’organisation… Plus les questions sont personnalisées, plus le candidat se sent en confiance et est à même de révéler ses compétences comportementales clés. Les soft skills émergent aussi grâce à la posture du recruteur. Il doit être observateur et curieux s’il veut pouvoir les repérer et les évaluer. Enfin, il est utile de recourir à des logiciels de recrutement. Les tests psychométriques sont un moyen supplémentaire de révéler les valeurs et les aptitudes des candidats.
Les soft skills ne remplacent donc pas les compétences techniques, mais les complètent et même les amplifient. Dans le contexte actuel de transition du secteur public, détecter les soft skills d’un candidat, les accompagner, et les développer deviennent des axes stratégiques pour transformer durablement les administrations.
[Encadré]
Trois grands enjeux soft skills : identifier, reconnaître, favoriser
Les propositions du rapport de France Stratégie et de l’Institut pour la transformation de l’innovation répondent à trois grands enjeux :
- Former et accompagner l’individu dans la prise de conscience, la mobilisation et la légitimation des softs skills acquises dans des contextes de formation et de projets antérieurs ou extra-professionnels ;
- Soutenir le management et les collectifs de travail dans les processus d’intégration d’une diversité de profils et de reconnaissance des soft skills associées ;
- Aider l’organisation à développer un contexte de travail et un environnement organisationnel permettant le développement des soft skills.