Comités sociaux dans la fonction publique : quelles compétences attendues chez les élus ?
Dans la fonction publique, les élus des nouveaux comités sociaux (CSA, CST, CSE) jouent un rôle essentiel pour améliorer le dialogue social. Pour permettre à ces représentants d’assumer leur rôle, ils doivent suivre une formation obligatoire (3 à 5 jours). Mais ils peuvent aussi miser sur d’autres formations pour monter en puissance. On vous explique.
De nouvelles instances de dialogue social
La loi de transformation de la fonction publique du 6 août 2019 a vu naître de nouvelles instances de dialogue social. En janvier 2023, le Comité technique (CT) et le Comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) ont fusionné pour devenir une instance unique : le Comité social. Celui-ci fonctionne sur le même modèle que le Comité social et économique (CSE), dans le privé. Ce Comité social est notamment compétent sur le fonctionnement et l’organisation des services, la protection de la santé et de la sécurité des agents…
Il est nommé différemment selon le versant auquel il appartient : Comité social d’administration (CSA) dans la fonction publique d’État, Comité social territorial dans la fonction publique territoriale (CST) et Comité social d’établissement dans la fonction publique hospitalière (CSE).
À noter : les établissements publics de plus de 200 agents disposent, au sein de leurs comités sociaux, d’une Formation spécialisée en matière de santé, de sécurité et de conditions de travail (FSSSCT).
En parallèle, la fonction publique dispose enfin de Commissions administratives paritaires (CAP) pour chaque catégorie d’agents (A, B et C). Ces dernières, qui ne sont pas nouvelles, examinent les décisions individuelles défavorables à la promotion ou à la mutation des agents portant, par exemple, sur un refus de titularisation, un licenciement, un conflit disciplinaire…
Des formations obligatoires pour les membres des comités sociaux
En décembre 2022, les 5,6 millions d’agents de la fonction publique ont élu, pour 4 ans, leurs représentants du personnel au sein de leurs nouvelles instances de dialogue social. Ces derniers, ainsi que les membres compétents en matière de santé, de sécurité et de conditions de travail ont tous pour obligation de se former durant leur mandat (idéalement au début). Cette formation doit a minima durer 3 jours pour les membres des comités sociaux et 5 jours pour les membres de la Formation spécialisée en matière de santé, de sécurité et de conditions de travail. Elle a essentiellement pour objectif d’aider les élus des comités sociaux à appréhender le cadrage de leurs missions. « Au cours de cette formation, les modalités de fonctionnement du CSA sont abordées, par exemple le nombre de réunions, le type de participants, le contenu des ordres du jour et des procès-verbaux… Puis, leurs attributions leur sont expliquées. C’est à cette occasion que nous explicitons les missions sur lesquelles ces élus sont légitimes. Durant les deux derniers jours de la formation, nous faisons un focus sur la santé et la sécurité. L’enjeu est ici de bien définir le périmètre de leur intervention : où leurs missions s’arrêtent, où elles commencent. L’idée étant que ces élus interviennent dans le respect du cadre réglementaire, qu’ils ne connaissent pas toujours », explique Marie Paitier, consultante-formatrice Cegos.
Sur quelles missions les élus sont-ils attendus ?
Les représentants des instances sociales ont trois rôles : consultatif, d’alerte et d’initiative. Si le premier est connu, les deux suivants le sont beaucoup moins. « Leur rôle d’alerte consiste à faire remonter, aux services RH et aux dirigeants, les situations graves ou les dangers imminents constatés sur le terrain. Cela peut être une situation de souffrance au travail, un agent qui tient des propos suicidaires », explique Marie Paitier. Au cours de leur formation, ce rôle d’alerte est abordé. « Nous réalisons des mises en situation pour qu’ils apprennent à identifier le niveau d’alerte mais aussi le type d’interlocuteurs à prévenir parmi les professionnels RH, les médecins du travail… Ils prennent alors conscience que c’est un rôle qui implique une lourde responsabilité. Ce sujet les préoccupe et génère chez eux une énorme charge émotionnelle »,constate-t-elle. À cette occasion, ils sont par exemple sensibilisés à la prévention des risques psycho-sociaux (RPS). L’enjeu étant que les élus disposent d’un bagage suffisant pour en parler lors des réunions d’instance. Enfin, le rôle d’initiative est, lui aussi, challengeant. « On attend des représentants qu’ils soient forces de proposition et qu’ils émettent des préconisations sur des sujets comme les besoins en matière de formation, l’évaluation des RPS… », poursuit notre experte.
Des établissements plus ou moins matures en matière de dialogue social
Si les prérogatives des élus sont listées par l’article 48 du décret n°2020-1427 du 20 novembre 2020 relatif aux comités sociaux, leur interprétation est, en réalité, sujette aux variations. Le texte dit par exemple que les représentants du comité social doivent être consultés lorsque l’établissement fait l’objet de « projets d’aménagement importants modifiant les conditions de santé et de sécurité et les conditions de travail ». Sur le terrain, la notion d’importance est interprétée différemment selon les administrations.
« Il existe des établissements où le dialogue social est très nourri, où les RH sont faciles d’accès : les représentants demandent alors souvent d’être consultés, y compris sur des sujets organisationnels. Les dirigeants et les DRH estiment que les élus sont dans leur rôle. Ils peuvent même les associer à la réalisation du document unique d’évaluation des risques professionnels (DUERP). Parfois, ils sont également moteurs pour enrichir les indicateurs du rapport social unique, par exemple sur l’absentéisme, le turnover…, témoigne Marie Paitier. À l’inverse, il existe aussi des établissements affichant de gros effectifs, où les lieux de décision et de pouvoir sont plus éloignés des agents. Dans ce cas, les dirigeants et les DRH s’en tiennent au texte et l’interprètent strictement », atteste Marie Paitier.
On l’aura compris : la nature des missions des représentants de ces instances dépend aussi de la maturité de l’établissement public vis-à-vis de son dialogue social.
Aller au-delà des formations obligatoires
Étant donné le périmètre relativement large de leurs missions, les représentants des nouvelles instances de dialogue social (qui ne sont pas forcément des personnes qui étaient élues au sein des ex-CT/CHSCT) peuvent ne pas se contenter de la formation obligatoire de 5 jours. Pour Marie Paitier, il y a plusieurs sujets sur lesquels ils peuvent se former spontanément, de manière plus approfondie pour monter en puissance dans leurs missions et ainsi tenter d’améliorer le dialogue social de leur établissement. Parmi eux : « la prévention des RPS afin d’apprendre à mieux les détecter, indique-t-elle. Mais aussi : la communication pour trouver le bon ton et la juste posture vis-à-vis de la direction ». La programmation des travaux des CSA est un enjeu fort pour les élus, une courte formation à la gestion de projet pourrait leur permettre de prioriser leurs actions et de les lisser sur la durée de leur mandat. Étant donné que les élus ne sont pas habitués à travailler ensemble – essentiellement parce qu’ils représentent des syndicats différents – une formation à la communication non violente (CNV) peut également leur être proposée, notamment pour ceux travaillant dans des grandes administrations. « La difficulté, c’est qu’ils doivent porter les mêmes sujets, atteindre les mêmes objectifs, tout en défendant leur position syndicale. Cela suppose une collaboration qu’ils peuvent apprendre au cours d’une formation », conclut Marie Paitier.