Comment la RSE change le métier de communicant
Dans un contexte où plus de 8 Français sur 10 aimeraient changer leurs habitudes de consommation pour protéger l’environnement, la communication aussi devient responsable. Mais pour cela, elle doit se transformer, aligner discours et engagements portés par l'entreprise de façon cohérente, travailler autrement et acquérir de nouvelles compétences.
Communication responsable : opportunité et facteur d’attractivité pour la profession
Plus qu’une tendance, la RSE s’impose désormais chez tous comme une véritable nécessité. Selon le dernier Baromètre GreenFlex-ADEME de la Consommation Responsable, 82 % des Français déclarent aujourd’hui s’engager dans un changement vertueux de leurs habitudes de consommation.
De leur côté, communicants et communicantes y voient aussi une opportunité pour leur profession. Selon une récente enquête de l’Adetem sur La fonction marketing face au défi de la RSE, 79 % des professionnel·e·s voient dans la réglementation liée à la RSE une opportunité pour l’entreprise de se réinventer. « La RSE est une nécessité et une vraie opportunité stratégique pour le secteur de la communication », confirme Véronique Souchet, manager d’Offre et d’Expertise Communication chez Cegos.
Pour rappel, elle cite la définition de la communication responsable, telle qu’elle est établie par l’ADEME : "une communication plus sensible aux enjeux écologiques, davantage à l’écoute du Vivant, une communication qui s’interroge autant sur le fond et sur la forme des messages, une communication qui intègre également la notion d’urgence."
« La communication responsable, c’est donc une communication qui prend ses responsabilités dans un contexte de transition écologique », résume notre experte. Concrètement, Véronique Souchet l’appuie à trois piliers :
- L’écocommunication : ou écoéditorialisation centrée sur l’authenticité des messages, leur formulation et le respect des réglementations.
- L’écoconception : ou comment envisager ses actions avec une approche de cycle de vie, de la conception à la diffusion, en passant par la production. Identifier ses leviers d’action sur toute la chaîne de valeur.
- La socioconception : comment on dialogue et co-construit un message avec toutes les parties prenantes.
Pas de bonne stratégie RSE sans bonne communication
Il n’existe pas de bonne stratégie RSE qui ne prend pas en compte la communication. À chaque organisation dès lors, de s’organiser en conséquence. « Il existe par exemple des entreprises qui placent, dans leur organigramme, la RSE et la direction de la communication au même niveau, poursuit notre spécialiste. Il est essentiel que les directions RSE et Communication dialoguent. Les communicants doivent porter de manière durable et responsable les engagements de l’entreprise de manière alignée. Pour cela, ces instances doivent travailler main dans la main pour obtenir tous les éléments de preuve factuels qui nourrissent le discours. »
Au passage, il y a aussi des risques réputationnels. Pour rappel, en vertu de la Loi Climat et résilience, le greenwashing, c’est-à-dire toute forme de communication écologique trompeuse, peut être puni de deux ans d’emprisonnement et 300 000 euros d’amende. « Et quand ces deux directions ne se parlent pas, on risque aussi un phénomène de "greenhushing", soit une frilosité à aborder certains sujets de peur de mal les traiter. »
Idéalement,la communication doit pouvoir intégrer tous les éléments de la RSE. « Pour bien collaborer, certaines organisations adoptent des comités rédactionnels avec des chartes et process de validation des messages, observe Véronique Souchet. Cela se passe aussi au niveau du reporting. Tous les documents officiels que produit la RSE peuvent aussi être co-redigés avec le service communication. »
Mais l’alignement nécessaire des actions de la RSE et des messages diffusés suppose une compréhension mutuelle, une culture commune et un vrai changement de paradigme. « Les communicants sont parfois soumis à des injonctions contradictoires. Augmenter par exemple la visibilité des posts sur les medias sociaux tout en communicant moins fréquemment. Il devient en effet nécessaire de faire moins et mieux, et surtout réfléchir systématiquement à la pertinence de ses actions, leur impact et les éléments de preuve. » Le rôle de la communication est alors de porter le message responsable de la RSE, en étant économe en ressources, respectueux des parties prenantes, tout en intégrant de nouveaux imaginaires pour accompagner des changements de comportement.
Conclusion de notre experte face à un tel défi : « Je dirais qu’on est à la fois sur les deux approches : "la RSE de la communication" et "la communication sur la RSE".
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Un niveau de connaissances RSE nécessaire pour les communicants
Dès lors, il est souvent essentiel pour les acteurs de la communication de se mettre à niveau et d’acquérir de nouvelles connaissances pour pouvoir avancer et collaborer au mieux avec la RSE. Pour y parvenir, Véronique Souchet évoque cinq impératifs.
- Acquérir un socle commun
« Pour pouvoir mieux échanger avec la direction RSE, les collaborateurs et parties prenantes et porter ses convictions, les communicant·e·s doivent maîtriser certains fondamentaux. Cela va de la RSE sur les enjeux de climat, à la durabilité, en passant par la conscience des limites planétaires, ou la biodiversité, le numérique responsable… »
- Faire évoluer son système de représentation
« À l’image de la Fresque du Climat, il existe une Fresque des Nouveaux Récits qui met en évidence certains biais et verrous socio-cognitifs du pouvoir narratif. Il est essentiel d’en être conscient pour construire les marques et offres désirables de demain. »
- Une bonne connaissance de certains cadres référentiels et réglementaires
« Il faut notamment maîtriser le cadre référentiel de l’ARPP (Autorité de Régulation Professionnelle de la Publicité) et connaître l’outil en ligne anti greenwashing de l’Ademe par exemple.
- La connaissance des différents baromètres RSE existants
« Ces outils permettent de mesurer, analyser et ajuster l’impact de ses actions de communication. »
- Être en veille permanente sur les pratiques et différents REX
« Les retours d’expérience entre pairs sont précieux et des communautés de pratique peuvent se mettre en place. Les communicant·e·s ne peuvent pas tout faire, mais on peut imaginer certains profils plus techniques dans une équipe, des spécialistes de la data ou de l’empreinte carbone par exemple. On peut s’inspirer de toutes ces bonnes pratiques. »
Des compétences métiers qui changent
Au final, sans surprise, avec cette analyse se dessinent des métiers de la communication en pleine évolution, avec de nouvelles compétences à acquérir et à enrichir au fil d’une carrière. Véronique Souchet les classe en trois ordres.
- La capacité à communiquer autrement
« Au-delà de certaines connaissances techniques, la capacité à communiquer autrement c’est s’interroger sur l’utilité de ses actions et la pertinence de ses messages. C’est aussi définir leur cycle de vie pour limiter leur empreinte carbone. La maîtrise de certains outils comme l’utilisation de la data pour piloter ses KPI est indispensable. Pour la rédaction, cela passe par encourager la diversité et l’inclusion. »
- Intégrer de nouvelles soft skills et développer une posture d’assertivité
Aujourd’hui, les communicants peuvent endosser un rôle de médiateur ou de facilitateur et pour cela, il faut être pédagogue. De manière générale, on plébiscite le growth mindset, c’est-à-dire une capacité à évoluer et à s’adapter en permanence. Apprendre à désapprendre aussi et interroger son rapport au risque, à l’éthique, aux biais cognitifs. Développer son esprit critique. Enfin, il faut aussi pouvoir porter des convictions… »
- Des compétences managériales
« Les compétences manégariales sont essentielles pour la mise en place et le déploiement de tout programme de développement durable en s’assurant de l’engagement des collaborateurs. C’est aussi savoir accompagner le changement et fournir de véritables boîtes à outils aux collaborateurs. ».
- Plus de créativité
« Communiquer de manière responsable, c’est conjuguer attractivité, sobriété et utilité. Pour cela, il est important d’allier écoconception et créativité. Dans ce contexte, les contraintes deviennent stimulantes. »
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Cette approche ébauche aussi une possible révolution pour les métiers de la communication. Elle représente une occasion de se réinventer et même de créer de nouveaux facteurs d’attractivité. « Cela rejoint la question très contemporaine du sens, des leviers d’action et de l’impact de son métier, observe Véronique Souchet. C’est aussi tout un environnement de travail qui évolue plus inclusif et intergénérationnel. »
Selon une étude Com-Ent/Occurrence et l’AACC, réalisée pour le magazine Stratégies auprès des professionnel·le·s du secteur de la communication et des étudiant·e·s, la note attribuée à l’attractivité des métiers de la communication plafonnait à 6,7 sur 10 en 2022. « Dans un tel contexte, la montée de la RSE et ses exigences est une chance pour la profession. La lutte contre l’infobésité ou la pollution numérique et le développement de discours plus responsables et de nouveaux récits permettront je l’espère, de retenir ses talents et d’en attirer de nouveaux. »