Ferons-nous mieux que les babouins ?
Depuis plus de trente ans, le neurobiologiste Robert Sapolsky de l’université de Stanford étudie les conséquences du stress sur les primates dans une colonie de babouins du Masaï-Mara, au Kenya. Quels enseignements en tirer sur la gestion du stress et les systèmes managériaux ?
Stress et hiérarchie
Les premières observations montraient que cette colonie de babouins, peu menacée par les prédateurs, avait facilement accès à la nourriture et que ses membres avaient beaucoup de temps libre. Dans cette colonie très hiérarchisée, les mâles dominants accédaient au haut de la hiérarchie en se montrant plus agressifs et plus rusés. Ils étaient peu sociables, passaient peu de temps avec leurs congénères et bénéficiaient de tous les avantages. Ils consacraient l’essentiel de leur temps à harceler les autres membres de la colonie. Sapolsky observa également que chacun connaissait sa place et savait qui il pouvait torturer et par qui il pouvait être torturé et il fit 2 découvertes :
- La position sociale déterminait le niveau de stress des membres de la colonie : les résultats au scanner montraient que les chefs primates, non stressés, secrétaient plus de dopamine (hormone du plaisir) que les subalternes.
- Les subalternes, soumis à un stress permanent, souffraient d'une tension artérielle et d'un rythme cardiaque élevés.
Un universitaire londonien, Michael Marmot, a mené une étude semblable sur 28 000 agents de la fonction publique britannique. Il en est arrivé aux mêmes conclusions : plus l’individu se situe bas dans la hiérarchie, plus son risque de développer des pathologies mortelles liées au stress est élevé.
Crise et changement de paradigme
Il y a 20 ans, les babouins ont pioché de la nourriture dans les déchets d’un campement de touristes et ont mangé de la viande infectée par le bacille de la tuberculose. Ce sont les mâles qui ont été le plus affectés : la moitié d’entre eux sont morts en particulier les mâles dominants qui s’étaient servis en premier sans en laisser aux autres.
Avec la disparition des mâles dominants, la colonie s’en est trouvée transformée : il restait deux fois plus de femelles et les mâles restant étaient bienveillants, sociables. Cela a complètement changé l’ambiance.
Cette troupe se caractérise aujourd’hui par sa prospérité, un niveau d’agressivité très bas et un niveau de sociabilité élevé. Les babouins n’ont plus aucun problème d’hypertension, ni d’anxiété comme le montre le résultat des analyses.
Les conclusions et les enseignements pour le management
Michael Marmot a corroboré ce constat chez les humains :
- Avoir du contrôle sur sa vie, sa charge de travail diminue le stress ;
- Quand les personnes ont plus de contrôle et qu’elles se sentent traitées de manière équitable et juste, le taux de maladie baisse.
- Faire participer davantage les collaborateurs, leur donner un plus grand pouvoir de décision, les récompenser permet d’avoir un environnement de travail plus sain et plus productif.
Si les babouins ont été capables en une génération de transformer un système social qui paraissait immuable, les relations humaines ne peuvent-elles pas changer aussi ?
La colonie des babouins a prospéré. Saurons-nous faire de même ?
La bienveillance est-elle la valeur managériale d'avenir ?