Harcèlement au travail : comment prévenir et agir
Harcèlement au travail : comment prévenir et agir
62 % des Français estiment que les faits de harcèlement se multiplient ces dernières années, selon une récente étude Ipsos. 30 % des salariés déclarent avoir été victimes de harcèlement au travail, et 40 % en ont été témoins. Ce délit, puni par la loi, entraîne une dégradation des conditions de travail, la perte d'estime de soi, voire des troubles psychologiques pour la victime. Que l’on soit acteur RH ou manager, chacun a l’obligation de mettre en place les mesures de prévention et de protéger les victimes.
- Harcèlement au travail : nul n’est censé ignorer la loi
- Du côté des RH, un devoir de prévention
- Face au harcèlement, des managers entre exemplarité et vigilance
- Recueillir la parole et savoir agir
- Harcèlement au travail : comment doivent gérer les RH
- Attention aussi au harcèlement managérial
- Tolérance zéro face au harcèlement sexuel !
Harcèlement au travail : nul n’est censé ignorer la loi
De quoi parle-t-on ? « Grâce à des évolutions sociétales, le harcèlement sexuel est devenu un vrai sujet d’actualité, se félicite Valérie Perrin consultante auprès de Cegos sur les thématiques de harcèlement. Quant au harcèlement moral, il a toujours existé, mais il est mieux pris en compte aujourd’hui. » En vertu de l’article L.1152-1 du code du travail et de l’article 222-33-2 du code pénal, aucun salarié ou fonctionnaire ne doit subir des agissements répétés de harcèlement moral. Et selon l’article L1153-1 du code du travail et 222-33 du code pénal, aucun salarié ne doit subir des faits de harcèlement sexuel.
On le sait aujourd’hui : au-delà d’un risque de dégradation des conditions de travail dans l’entreprise, ces agissements menacent la santé physique ou mentale ainsi que l’avenir professionnel des victimes. La prévention du harcèlement est aussi une obligation légale. « Au regard de la loi, une fois que le harcèlement est caractérisé, il est trop tard, rappelle notre experte. La responsabilité de l'employeur est en cause et il devient aussi passible de poursuites. L'employeur doit donc agir le plus en amont possible pour éviter le risque de harcèlement. »
Du côté des RH, un devoir de prévention
L'employeur est tenu d'une obligation de résultat en ce qui concerne la protection de la santé physique et mentale et la sécurité de ses salariés. « Cela implique un devoir d’information et des actions de prévention à plusieurs niveaux », insiste Valérie Perrin.
Actualiser son règlement intérieur
« Le règlement intérieur doit rappeler les dispositions relatives au harcèlement. Le diffuser et l’afficher est un minimum, quelle que soit d’ailleurs la taille de l’entreprise. On peut aussi rédiger une charte ou un guide pratique sur ces questions. »
Former les managers
« Les managers, au contact des équipes, doivent pouvoir identifier certains signes et accueillir la parole. La formation peut les aider à identifier par exemple ce qui relève du harcèlement moral ou pas, car il peut y avoir confusion dans certaines situations. »
Lancer des actions de sensibilisation
« Cela peut passer par une campagne d’affichage mais aussi des ateliers à destination de la hiérarchie mais aussi des collaborateurs, qui peuvent être victimes mais aussi lanceurs d’alerte. »
Mobiliser toutes les instances
« Le CSE, par exemple, joue un rôle important dans la prévention du harcèlement. Il dispose d'un droit d'alerte et doit être réuni en cas d'incident ayant entraîné des conséquences graves. Dans certaines entreprises, il peut aussi y avoir un référent dédié à ces questions. Ces référents doivent être formés et sont autant de points d’appui pour les salariés qui seraient victimes de harcèlement. »
Mettre en place une procédure simple et la diffuser
« C’est à la charge de chaque entreprise de cartographier sa procédure. Il s’agit ici de mettre en place un système d’alerte, coconstruit avec toutes les instances concernées. C’est-à-dire une procédure de recueil des signalements et de traitement des alertes. »
Face au harcèlement, des managers entre exemplarité et vigilance
Dans ce contexte, il est impératif que les n+1 soient vigilants et intraitables sur ces questions. « Un agissement sexiste isolé, par exemple, n'est pas du harcèlement. Mais déjà, c'est condamnable. Si les managers entendent une blague douteuse, ils doivent tout de suite recadrer l’auteur ou l’autrice. » À noter que les managers devront aussi s’appliquer cette vigilance à eux-mêmes. « Des managers informés ont aussi un devoir d’exemplarité face aux autres », poursuit notre experte.
Parce que les victimes n’osent pas forcément parler ou sonnent l’alerte trop tard, les managers devront aussi être sensibles à certains signaux d’alerte. En effet, les effets du harcèlement au travail sont multiples : répercussions physiques, psychologiques : nervosité, irritabilité, anxiété, troubles du sommeil, crises de larmes. Il provoque aussi une diminution des capacités de travail, de l’absentéisme, entre autres… « Si un n+1 remarque un changement de comportement soudain chez un collaborateur ou une collaboratrice, il peut aussi initier la conversation avec tact. On en revient à l'obligation de protection de l'employeur ».
Recueillir la parole et savoir agir
Il arrive aussi que des salariés s’adressent à leurs n+1 directement pour dénoncer une situation potentielle de harcèlement dans le service. « Dès lors, ils ont la charge, en tant que représentants de l'employeur, d’écouter les faits qui lui sont remontés. » Concrètement, les managers doivent respecter plusieurs étapes. « Il faudra d’abord écouter la victime présumée dans un climat de bienveillance et d’empathie et ne pas minimiser les faits, insiste Valérie Perrin. Il faudra ensuite recueillir le maximum d’informations avec neutralité : faits reprochés, dates, preuves et éventuels témoins. Il sera également important de questionner la personne sur les impacts de la situation. »
Certains écueils sont également à éviter. Parmi les erreurs à bannir lors d'un entretien avec une victime présumée : ne pas se débarrasser rapidement de la victime parce que ce qu'elle raconte est pénible à entendre, parler au lieu de l’écouter, ne pas minimiser son vécu ni lui reprocher de n'avoir pas alerté plus tôt… En revanche, il ne faudra pas non plus condamner par avance la personne mise en cause. Les managers ne peuvent, pas non plus, imposer une confrontation avec le harceleur présumé sans l’accord de la victime.
Harcèlement au travail : comment doivent gérer les RH
Dès qu’un signalement est avéré, à charge pour les RH de prendre, de leur côté, les mesures adéquates. Toute procédure implique dès lors un entretien avec le harceleur présumé et une enquête interne. « Il faut suivre la procédure établie et permettre à, la personne mise en cause, en toute impartialité, de donner sa version des faits. » Il appartient à l’employeur, avec le concours du CSE, de prendre des mesures pour faire cesser toute situation de harcèlement et de protéger la victime présumée.
Si les faits de harcèlement, moral ou sexuel, sont avérés, la première sanction, intervient au niveau de l’employeur. « De plus en plus d'entreprises prennent des sanctions lourdes, comme un licenciement pour faute », précise Valérie Perrin. Mais les RH devront aussi gérer souvent d’autres dégâts collatéraux dans l’équipe. « Il faut parfois sanctionner des témoins passifs. Et en profiter pour communiquer sur une tolérance zéro à toute violence et tout agissement de harcèlement. » Pour que cela n’arrive plus à d’autres…
Attention aussi au harcèlement managérial
Mais que se passe-t-il si les faits émanent… de managers ? « C’est une réalité à prendre en compte, insiste Valérie Perrin. Car les enquêtes montrent que 48 % du harcèlement moral est descendant et 41 % transversal. » Si le "harcèlement managérial" n'est pas inscrit tel quel dans le code du travail, il est désormais reconnu par la jurisprudence. Il découle en général de la mise en place d'une politique de gestion intentionnelle touchant l'ensemble des salariés, ou un groupe de salariés, et non seulement l'un d'entre eux.
« On comprend là l’intérêt, pour l’entreprise, de mettre en exergue toutes les autres instances qui peuvent être d'autres interlocuteurs. Ce sera le moyen d’être alertée en cas de problème ou de faits de sexisme. » Ce dispositif permettra aussi à des salariés de se manifester s’ils s’estiment harcelés par leur manager, de sanctionner le, ou la, n+1 ou de le recadrer s’il est encore temps.
Finalement, notre experte insiste sur les vertus de la formation continue. « Les personnalités perverses-narcissiques, avec seulement 0,2 à 3,3 % de la population selon les études, relativise notre spécialiste. Pour le reste, on croise beaucoup de profils de personnes harceleuses sans intention de nuire. Plus on se forme à ces questions, mieux l’entreprise se porte… »
Tolérance zéro face au harcèlement sexuel !
Le saviez-vous ? Une femme sur cinq aurait été confrontée à une situation de harcèlement sexuel durant sa carrière. Dans trois cas sur dix, c’est un collègue qui est à l’origine des faits. Mais seuls 5 % des cas sont portés devant la justice. (source Défenseur des Droits)
Le harcèlement débute généralement avec la mise en confiance de la victime. Une fois la confiance installée, la victime laisse tomber ses défenses. Le harceleur se fait alors plus intrusif et passe à la vitesse supérieure. Et si la victime ne cède pas, le harcèlement sexuel est souvent remplacé ou accompagné par du harcèlement moral.
L’employeur a une obligation de sécurité à l’égard de ses salariés. Depuis le 1er janvier 2019, les employeurs d’au moins 250 salariés doivent désigner un référent sexisme au sein de l’entreprise. De même, un référent harcèlement CSE est aussi obligatoire depuis 2019 dans toutes les entreprises disposant d’un CSE.
20 % des salariés déclarent connaître au moins une personne ayant été victime de harcèlement sexuel. Il faut en parler que l’on soit victime ou témoin. Le code du travail protège aussi les salariés témoins. C’est alors le devoir citoyen de tout collègue de signaler les agissements sexistes ou situations de harcèlement dans l’entreprise.