Uber : faut-il investir en bourse ?
En mai 2019, Uber, géant de l'activité VTC, s'est introduit en bourse à New York. En partant d'une idée révolutionnaire, il a connu dix années d'un développement mondial effréné émaillé de nombreuses péripéties, conflits et démêlées judiciaires. Vous hésitez à investir dans cette entreprise ? Découvrez notre analyse.
L’action d'Uber constitue indéniablement un investissement à risque. Nous listons les éléments d'analyse permettant au lecteur de se faire une opinion.
L’accumulation de pertes sur 10 ans ne constitue pas en soi un signe irrémédiable d’échec. En effet, plusieurs start-up à la croissance exponentielle ont cumulé des pertes élevées pendant plusieurs années avant de générer des bénéfices importants. On peut notamment citer Tesla et Amazon.
Uber doit affronter des menaces importantes
Le risque commercial
La clientèle reste difficile à fidéliser, même si près de 100 millions d’utilisateurs au moins une fois par mois. Il suffit de télécharger une nouvelle application pour passer à une plateforme concurrente. Uber a toutefois expérimenté en 2019 des formules d’abonnement dans un but de fidélisation mais sans communiquer sur ses résultats. La concurrence demeure extrêmement forte sur les deux grands métiers, VTC et livraison de repas. En effet, elle nécessite des ajustements de prix et actions promotionnelles constantes.
Les risques juridiques
Ils demeurent très élevés.
Tout d’abord, les entreprises de taxi considèrent qu’il y a une concurrence déloyale car les chauffeurs d’Uber ne doivent pas payer la licence d’exploitation qu’ils ont parfois dû payer plusieurs dizaines de milliers d’euros. Elles continuent de faire pression dans de nombreuses villes dans le monde pour interdire ou limiter l’action des plateformes de VTC.
Ensuite, de nouvelles réglementations ou décisions judiciaires menacent actuellement le modèle économique d’Uber en requalifiant le contrat avec le chauffeur de contrat de travail ou en imposant des obligations en faveur des chauffeurs (tarif minimum y compris pendant les périodes où le véhicule est vide).
Le dernier épisode en date est l’adoption d’une loi par la Californie en septembre 2019. Elle vise à requalifier les contrats entre les plateformes de VTC et leurs chauffeurs en contrats de travail à part entière. La loi prévoit que doivent être requalifiés en salariés les personnes dont l'activité se rattache à l'activité principale de l'entreprise. Cette loi se traduirait pour les chauffeurs par une augmentation de la rémunération, le droit à une protection sociale, à des indemnités de licenciement. L'opinion américaine semble ne plus être autant en faveur des entreprises du numérique offrant de petits boulots. Des analystes estiment que cette loi augmenterait les coûts des plateformes VTC de 30 à 35%. Paradoxalement, elle pourrait constituer une barrière à l'entrée bénéficiant au leader de la profession.
Pour combattre cette loi, Uber et Lyft ont indiqué qu'ils invoqueraient le fait que le travail des chauffeurs ne fait pas partie de l'activité d'Uber qui constitue une plateforme technologique pour plusieurs marchés. Ils ont décidé de promouvoir une consultation populaire comme le prévoit la loi de Californie.
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Des doutes sur la viabilité du modèle économique
Un article du journal les Echos du 11 août 2019 questionne la viabilité du modèle économique d’Uber et de Lyft. « Si Lyft coupait toute sa R&D et divisait par deux ses dépenses de commercialisation, il devrait encore augmenter ses tarifs de 5% pour parvenir seulement à l’équilibre ».
Risque technologique
A ce jour, il n’existe pas de perspectives d’une exploitation commerciale rentable grâce à la voiture autonome à un horizon raisonnable. Or, beaucoup y voient une condition nécessaire de rentabilité de l'activité VTC.
Risque de réputation
Ce risque est lié à la perception que l’opinion peut avoir de la précarisation des chauffeurs. La volonté affichée par Uber d’utiliser la voiture autonome risque d’augmenter ce ressentiment. En effet, pour maximiser ses profits, il se passerait donc de ses chauffeurs. L'entreprise n'aurait plus de rôle social à leurs yeux. Par ailleurs, des études montrent que, dans des grandes villes comme New York, l’omniprésence des VTC contribue à augmenter les embouteillages et la pollution.
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Le groupe Uber dispose également d’atouts de taille
Le groupe s’est doté d’une mission novatrice
La nouvelle mission d'Uber : être la « Plateforme de mobilité pour les gens et les biens dans le monde entier et à grande échelle ». Il veut demeurer le leader mondial de la micro-mobilité. Pour cela, il propose une diversité de solutions destinées à être reliées entre elles (VTC, trottinettes, vélos électriques, ..) et à des transports publics. Par rapport à son principal concurrent, Lyft, Uber perd actuellement davantage d’argent. Cependant, il a une stratégie beaucoup plus ambitieuse tant par l’expansion géographique que par la diversité des métiers.
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La croissance ininterrompue de son activité
Elle est exprimée en nombre de clients actifs, de nombre de courses, de réservations brutes. Cette croissance vient contrebalancer la permanence des pertes. Peu après l’introduction en bourse, le dirigeant a confirmé la stratégie du groupe : "Notre boulot, c'est de grossir vite (...) et de façon plus efficiente, pendant très très longtemps"
Une part de marché dominante de 65% dans la plupart des régions où le groupe est directement présent sur le marché des VTC.
Des investissements constants en recherche et développement
La R&D permet d'améliorer l’efficience de ses plateformes de réservation. L'enjeu de ces efforts est le raccourcissement du délai de livraison des repas ou d’approche des VTC. Il constitue un enjeu concurrentiel important, comme pour des activités comme Amazon.
Bourse
Uber a été introduit en bourse à New York le 9 mai au cours de 45 USD et sur la base d’une valorisation de 82 milliards USD, inférieure à la valeur de 100 milliards considérée précédemment. Le cours actuel est de 34 USD qui représente une baisse de valeur de 25% par rapport au cours d’introduction.
Sa trajectoire boursière est similaire à celle de Lyft, introduite au Nasdaq peu de temps auparavant, en mars. Ce groupe s’était introduit en bourse au cours de 72 USD et avait perdu près de 12% de cette valeur à la fin de la première journée de cotation pour une capitalisation boursière de 24 milliards USD.
Le 6 novembre 2019 est la date d’expiration de la clause de « lock-up ». Elle interdit à certains investisseurs de vendre leurs actions. Par conséquent, un flux important de ventes est à craindre à partir de cette date.
Matrice Emoff / Swot
Nous synthétisons dans cette matrice l'analyse menée ci-dessus.
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