Souffrez-vous du syndrome de l’étudiant dans votre projet ?
Vous attendez le dernier moment pour vous mettre au travail sur une tâche, alors que vous disposiez à l’origine d’une durée et d’une marge de manœuvre très confortables ?
Attention, vous souffrez du syndrome de l’étudiant ! L’expression, qui a été pour la première fois évoquée par Eliyahu M. Goldratt dans son ouvrage La Chaine Critique, fait bien sûr référence aux étudiants qui vont se lancer dans leur rédaction ou leurs révisions à la toute dernière minute.
Syndrome de l’étudiant : préparez-vous aux conséquences
Bien sûr, ce n’est pas sans conséquences négatives :
- La qualité toute relative du travail produit dans des conditions d’urgence totale (pas de relecture, pas de maturation sur certains sujets qui réclament du temps).
- Ce syndrome génère également un stress nuisible. Fatigué, pas affuté du neurone, avec une capacité de concentration limitée, l’étudiant n’est plus non plus capable de mobiliser les talents de communication qui pourraient l’aider dans certaines situations critiques. Le prof : « Alors, le Rouge et le Noir, vous en pensez quoi ? » / l’étudiant : « J’adore cette chanson de Jeanne Mas ».
Mais aussi surprenant que cela puisse paraitre, ce syndrome comporte également des avantages.
- Tout d’abord, pas de sur-qualité : le fait de traiter une tâche avec un temps très réduit nous oblige à nous concentrer sur l’essentiel et à accepter de faire des impasses sur l’accessoire.
- Et puis, avouons-le, certains d’entre nous éprouvent un certain plaisir à travailler au dernier moment. Nous sommes toutes et tous des personnes brillantes. Si nous entretenons ce fonctionnement sur nos projets, c’est que nous y trouvons une forme de compensation. L’adrénaline du rush de fin, le plaisir de montrer notre capacité de dépassement, de nous sentir désiré et attendu… Les raisons sont multiples et individuelles, mais il est souvent difficile de modifier une pratique si nous ne comprenons pas ce qu’elle nous apporte depuis des années.
Vous pouvez donc choisir de vivre avec ce syndrome… ou pas !
Quelles sont les origines du mal ?
Il y a plusieurs raisons qui peuvent conduire un projet à être affecté du syndrome de l’étudiant :
- Selon la fameuse loi de Parkinson, "un travail s’étend jusqu’à occuper tout le temps qui lui est imparti". Notre réflexe naturel, en tant qu’êtres humains, est d’identifier l’échéance dès que l’on nous confie une tâche, et de considérer que nous devrons être prêts à cette date, mais pas forcément avant ! Nous allons donc occuper la durée disponible, même si elle est surdimensionnée.
- Une surestimation de la durée nécessaire à la réalisation d’une tâche, qui se combinera à la loi de Parkinson ci-dessus.
- Une mauvaise gestion de projet : une équipe projet, abandonnée par un chef de projet un peu laxiste, peu avoir tendance à « prendre son temps », ce qui se traduira par un avancement très lent. Cela restera le cas jusqu’à ce que le chef de projet décide d’afficher un état d’avancement du projet au commanditaire, ce qui va soudain provoquer un mode panique, avec l’ensemble des tâches à terminer dans un temps record.
- Des exigences peu claires : des exigences qui ne sont pas clairement définies, ainsi qu’une « vision d’ensemble » du projet un peu (très) floue, peuvent conduire des équipiers frustrés à essayer d’éviter ou repousser dans le temps des tâches qu’ils ne comprennent pas.
- De multiples projets simultanés : lorsque les équipiers sont sollicités sur plusieurs projets en parallèle, sans forcément que ces derniers soient priorisés, ils feront eux-mêmes leur marché et choisiront les tâches qui avanceront, et celles qui stagneront jusqu’au dernier moment.
Comment éviter le syndrome de l’étudiant ?
S’il n’existe pas de recette magique, quelques pratiques simples méritent d’être citées :
- Selon « l’équation de procrastination » de Piers Steel (selon laquelle : motivation = [expectancy x value] / [impulsiveness x delay]), moins nous avons de temps pour réaliser une tâche, moins nous avons de distractions potentielles, et plus le niveau d’engagement et de valeur produite sont importants. En conséquence, il est recommandé de découper une tâche trop longue en plusieurs tâches courtes (ou a minima d’adosser une checklist d’actions à réaliser à une tâche dès le démarrage).
- Afin d’éviter la surestimation associée à certains tâches, il est recommandé de pratiquer le « time-boxing » : cette pratique consiste à définir au démarrage du projet la durée précise de certaines tâches ou rituels. Par exemple, dans un projet traité avec une approche agile (telle que Scrum), un sprint de deux semaines va comporter 4 heures de planning meeting, 5 minutes pour le daily scrum meeting, 2 heures pour la démo, et 2 heures pour la rétrospective de sprint. Le fait de time-boxer les tâches induit progressivement les équipiers à time-boxer leurs tâches (ex : telle tâche doit prendre 3 heures maximum, et doit être réalisée sous une semaine). A contrario, des réunions qui sont décalées ou qui dérivent tout le temps invitent les équipiers à décaler la réalisation de leurs tâches !
- S’inspirer de Picasso !
Un management de projet proactif (par opposition à réactif) constitue une clé pour mettre le syndrome de l’étudiant sous contrôle. Mais peut-être que le mieux, pour tout chef de projet, est de commencer par travailler sur ses propres habitudes de procrastination avant de chercher à acculturer ses équipiers.