Comment l’IA révolutionne les métiers de la communication

Véronique SouchetManager des offres Techniques d'Expression Écrite et Orale, Communication Interne et Externe et PAO chez Cegos
Aurélie TachotRédactrice

Véritable lame de fonds, l’intelligence artificielle générative promet des changements et des opportunités dans le quotidien de tous les métiers, notamment ceux de la communication. À condition qu’ils se forment, ces professionnels peuvent capitaliser sur ces avancées pour développer leur valeur ajoutée, renforcer leur posture de conseil et gagner en performance.

Une maturité hétérogène vis-à-vis de l’IA

Dans les années 2000, l’apparition des nouvelles technologies – propulsées par le digital – avait déjà transformé en profondeur les contours des métiers de la communication. Elle avait notamment fait émerger des pratiques inédites, avec le développement des médias sociaux, et ouvert de nouvelles perspectives créatives.

Plus récemment, l’intelligence artificielle générative (GenAI) – souvent comparée à l’arrivée de l’imprimerie – a impacté les professionnels. « Depuis le lancement de ChatGPT en novembre 2022, le sujet de l’intelligence artificielle générative inonde les médias. Maintenant qu’on a presque 2 ans de recul, cette frénésie commence à s’organiser au sein des différents métiers qu’elle impacte », explique Véronique Souchet, manager de l’offre Communication Interne et Externe au sein du Groupe Cegos.

Chez les professionnels de la communication, le niveau de maturité vis-à-vis de l’IA varie en fonction des secteurs et des tailles des organisations. En revanche, ils partagent tous une inquiétude quant à leur avenir. Pour beaucoup, l’IA met en danger les métiers de la communication. « Les professionnels du secteur craignent de voir leurs métiers être dévalorisés, voire remplacés par une IA. La question n’est pas de savoir ce que l’IA peut faire pour les communicants, mais plutôt de savoir ce que les communicants veulent faire avec cette IA pour devenir des communicants augmentés », estime-t-elle. Car n’oublions pas que derrière l’IA, c’est bien l’humain qui pilote.

Quelles tâches les communicants peuvent-ils déléguer à l’IA ?

L’IA – qu’elle soit générative ou non – modifie les pratiques de la communication corporate, interne et externe. Et ce, à toutes les étapes, depuis l’élaboration de la stratégie de communication à son déploiement opérationnel, en passant par la veille stratégique et analytique et la mesure d’impact. En d’autres termes : l’IA aide les communicants sur une grande variété de tâches, pas uniquement sur la génération de contenus.

En analysant les données comportementales, l’IA leur permet par exemple de personnaliser davantage leurs contenus en fonction de leurs différentes cibles. On peut ainsi pousser des messages qui résonnent en chaque individu, et ce de manière automatisée. Un avantage qui améliore l’expérience client de toutes les parties prenantes : en interne, à l’externe pour les clients, les usagers avec des chatbots …

Par sa capacité d’analyse et de traitement des données, l’IA peut même fournir des insights précieux. Les outils d’analyse sémantique peuvent par exemple permettre aux professionnels de réaliser un travail de veille sur les médias sociaux, de mieux appréhender l’e-réputation d’une marque, de déceler les signaux faibles pour la communication de crise…

L’intelligence artificielle au service des métiers de la communication
Optimiser ses pratiques et s’approprier les outils d’IA

Favoriser l’idéation et l’inspiration des pros de la communication

Puisqu’elle automatise des tâches à faible valeur ajoutée (gestion de projet, optimisation des campagnes de communication, segmentation d’une audience, synthèse de verbatims…), l’IA libère du temps aux communicants et leur permet de se concentrer sur l’idéation et la créativité. Elle se révèle une bonne alliée lorsque les professionnels doivent créer des concepts, des roughs, des lignes éditoriales, des storytellings de marque, des événements, des communiqués de presse…

Les IA génératives de création d’images (fixes ou animées) comme Midjourney, Ideogram sont également déjà très puissantes. Le générateur de texte ChatGPT, le moteur de recherche conversationnel Perplexity, l’outil d’analyse de données Julius peuvent, par exemple, aussi permettre aux professionnels de croiser des informations, des jeux de données, d’identifier les attentes de leurs cibles… Avec ces outils, les communicants – qui valident le résultat généré par la GenAI – peuvent développer de nouvelles stratégies hyperpersonnalisées de communication.

Davantage de temps et d’efficacité avec l’IA

D’après une étude menée par la plateforme HubSpot auprès des fonctions marketing et communication et publiée en janvier 2024, 35 % des sondés déclarent recourir à l’intelligence artificielle et à l’automatisation dans le cadre de leur rôle, de façon régulière.

Parmi les outils les plus utilisés par les professionnels de la communication, citons par exemple :

-  les outils de génération de texte ; ChatGPT, Copilot, Gemini, Mistral,

- de conception graphique ; Leonardo, Midjourney, Ideogram, Dall-E, Canva,

- de vidéo ; Lumen5, Heygen, Veed.io,

- d’audio ; Elevenlabs.

« Si les outils d’IA génératives sont populaires auprès de ces professionnels, c’est parce qu’ils leur permettent de gagner du temps », indique Véronique Souchet. Selon l’étude d’HubSpot, l’utilisation de l’IA pourrait même leur faire gagner 2,5 heures par jour sur des taches à faible valeur ajoutée. Soit l’équivalent de 12,5 heures par semaine et 25-26 jours gagnés par an. En cela, l’IA ouvre la voie à une importante ère de productivité et d’efficacité.

Plusieurs points de vigilance pour l’utilisation de l’IA

« Les professionnels doivent développer une vigilance accrue vis-à-vis de l’intelligence artificielle et faire preuve de transparence lorsqu’ils l’utilisent. L’IA pouvant répéter des biais de représentation et des discriminations, par exemple dans les images qu’elle génère »,explique Véronique Souchet. Le cadre juridique entourant l’utilisation de l’IA est encore flou, l’application générale de l’"IA Act" est prévue pour 2026.

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Il est également important que les communicants rédigent des chartes éthiques, conjointement avec leur DRH, DSI ou DG, afin que les conditions d’utilisation de l’IA soient claires et connues de tous. Par ailleurs, les professionnels de la communication doivent être vigilants à la qualité, à l’intégrité et à la confidentialité des données, au respect du RGPD, et aux droits d’auteur.

3h chrono pour acquérir les fondamentaux du droit d’auteur et du droit à l’image

L’utilisation de l’IA doit être en adéquation avec la stratégie RSE de leur organisation. Car sur le papier, un paradoxe émerge. « D'un côté, l'IA générative donne des pouvoirs illimités pour faire toujours plus. Elle est toutefois énergivore avec de fortes émissions de CO2. De l’autre, il y a les limites planétaires qui nous encouragent à faire moins et mieux », explique-t-elle. Il y a ici un important défi d’utilisation éthique et responsable de l’IA, sur lequel les communicants doivent se pencher.

Se former à l’IA devient incontournable

Alors que l’IA soulève une myriade de questions, il est important que les professionnels de la communication se forment. D’une part pour anticiper et se préparer aux futurs défis qui les attendent, d’autre part pour saisir au mieux les opportunités que l’IA génère. Pour 86 % d’entre eux, l’IA oblige à se réinventer, d’après le baromètre de Sup de Com’ et Opinionway. « Le développement de l’IA générative oblige les communicants à travailler plusieurs compétences, notamment le fait de challenger le contenu généré par une IA et de le réécrire, par exemple en développant leur pensée critique et leur esprit d’analyse », explique Véronique Souchet.

Faire preuve de résilience face à l’erreur est également clé. Cela suppose d’accepter de recommencer, de ne pas se satisfaire des premières réponses de l’IA… L’IA évoluant à vitesse grand V, le fait d’être curieux, de s’adapter aux nouveaux usages et environnements (transformation du paysage médiatique, etc.) sont également des qualités que les communicants devront rapidement acquérir.

D’autant qu’ils auront davantage à faire face à de la gestion de crise. Puisqu’à court terme, plus de salariés créeront du contenu, ces professionnels qui sont les garants devront faire preuve de pédagogie. Ils devront accompagner les équipes et en les sensibilisant à l’éthique, aux deepfakes, aux risques de surproduction de contenu, de désinformation, de propriété intellectuelle... « Une tâche qui suppose que les professionnels de la communication travaillent de manière encore plus transversale avec les parties prenantes, participent à la conduite de changement, créent des réseaux internes d’ambassadeurs sur l’IA, promeuvent une culture de l’innovation au sein de leurs équipes… Bref, se recentrent sur leur valeur conseil », conclut-elle.

Expert :

Véronique Souchet

Véronique se consacre au développement de trois gammes de formation qui donnent à chacune et chacun des clés pour communiquer auprès de ses parties prenantes et valoriser ainsi son efficacité professionnelle et son employabilité.Véronique a plus de 25 années d'expérience dans la communication et le marketing.Elle a travaillé d'abord dans le secteur culturel avant de rejoindre pendant 15 ans celui du conseil en management (banque, assurance, industries et services). Vice-présidente de l'AFCI (Association Française de Communication Interne), et membre de l’Association nationale des communicants, Véronique aime contribuer à la réflexion sur les enjeux et l'évolution de la fonction communication au sein des organisations.Son approche pédagogique a pour but d’accompagner les professionnels dans la transformation digitale/IA et responsable de leurs métiers.
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