Que faire du DIF ?
Les compteurs augmentent… et certaines directions des ressources humaines s’inquiètent : que faire du DIF ? Risque-t-on, lorsque les compteurs vont culminer à 120 heures, d’être confronté à de nombreuses demandes ? Comment, dans ce cas, ne pas risquer de générer des frustrations, ou bien des dérapages budgétaires ? Il s’agit bien de construire une politique DIF – de donner à l’intérieur de l’entreprise du sens à l’exercice de droit. Et cette politique DIF ne peut bien sûr se concevoir « à coté » de la politique formation.
Définir une "offre DIF", mettre à la disposition des salariés un "catalogue DIF" ?
Oui, du moment que l'on s'inscrit dans des priorités négociées (L 6323-8). Ce peut être un outil pertinent, reflet de la "politique DIF" et aide à la définition du projet de formation du salarié. Mais pour que l'outil soit pertinent, il me semble que la réflexion ne doit pas porter en premier lieu sur "un choix de stages", mais sur le sens que le DIF peut prendre dans le contexte particulier de l'entreprise, compte tenu de sa politique formation globale.
Diagnostiquer sa politique formation
Finalement, construire une politique formation c’est positionner un curseur sur un axe qui va du « tout descendant » au « tout remontant ».
En haut, les orientations formation : elles relèvent du pouvoir de direction de l’employeur, et sont déterminées à partir d’une analyse des besoins en compétences, pour aujourd’hui et demain. Elles relèvent aussi des obligations qui lui sont faites par la loi (adapter les salariés aux exigences de leur poste de travail) et la jurisprudence (« fournir des moyens de formation permettant au salarié de se maintenir dans son emploi»).
En bas, les projets individuels de formation des salariés. Comme l’enquête Cegos 2008 l’a montré, ils reflètent des souhaits –diffus ou bien construits- d’évolution professionnelle : progression de carrière, mobilité, professionnalisation.
Positionner le curseur : une question d’enjeux
Selon les enjeux de l’entreprise, les évolutions qu’elle doit mener à bien, le curseur sera positionné « vers le haut » ou « vers le bas ».
Une entreprise qui accompagne ses salariés dans des mutations profondes vise avant tout la construction de nouvelles compétences collectives. Les orientations formation décidées par la direction sont concrètement rattachées à des projets, des nouvelles organisations, des échéances. Elles ont un poids déterminant dans les arbitrages budgétaires qui déterminent les actions qui seront au plan.
A l’inverse, une entreprise qui vit dans un environnement plus stable, ou bien encore qui projette peu les évolutions de l’emploi, aura tendance à mettre le curseur « vers le bas ». A l’extrème, le plan de formation n’est qu’une compilation de demandes individuelles, plus ou moins filtrées par la hiérarchie.
C’est la place du curseur qui caractérise la politique formation de l’entreprise.
Le DIF est partie intégrante de cette politique formation
Structurellement, le DIF est un droit que le salarié exerce dans le cadre de sa relation avec l’employeur.
Les modalités de mise en œuvre du DIF ne peuvent pas être déconnectées du contexte de l’entreprise, et doivent être cohérentes avec les clés d’arbitrage utilisées lors de la sélection des actions de formation retenues au plan.
Si le plan est très orienté « compétences collectives nécessaires à court terme », le DIF est l’opportunité de donner aux salariés « l’espace initiative individuelle » qui faisait défaut jusque là. "L’offre DIF » peut se centrer sur : des compétences individuelles fondamentales qui nourriront les compétences collectives visées, ou bien sur des compétences individuelles utiles aux personnes pour préparer une mobilité (ce qu’elles ne peuvent guère faire dans le cadre du plan).
Si le plan est très axé sur le développement de compétences individuelles, avec un rôle important donné aux managers lors des processus d’arbitrage, le DIF est un levier pour aider chaque salarié dans sa dynamique de progrès. Les actions prises au titre du DIF permettront aux salariés de développer des compétences, en périphérie ou au – delà des besoins identifiés pour leur coeur de métier. DIF et plan peuvent s'articuler pour permettre aux salariés d'accéder à des certifications.
Si le plan est construit en lien étroit avec la gestion prévisionnelle de l’emploi et des compétences, le DIF est une véritable opportunité d’aider les salariés à se mette en projet. Là encore, DIF et plan se combinent souvent pour permettre aux salariés de s’engager dans des formations qualifiantes. Les parcours de professionnalisation, construits dans la perspective de l’évolution des métiers et des mobilités, intègrent différents types d’actions, dont certaines, à l’initiative du salarié, peuvent être effectuées au titre du DIF.
Ainsi, dans le cadre de priorités négociées, les entreprises peuvent elles aider le salarié à construire son projet de formation, au moyen d’une « offre DIF » qui réconcilie enjeux de l’entreprise et enjeux individuels.
Finalement, ce n’est que lorsque le plan est avant tout un agrégat de demandes individuelles que le DIF pose problème : il ne trouve pas sa place, parce que l’initiative du salarié est déjà complètement absorbée par le plan !
Que faire du DIF ? La question revient à se demander « Quelle place laisser à l’initiative du salarié ? ». La réponse réside avant tout dans une réflexion concertée sur la politique de formation.