L'importance du ratio d'endettement net (gearing)

Michel SionManager Offre et Expertise Finance Cegos

L’analyse de la structure financière constitue une des étapes-clés de la démarche d’analyse financière. Le ratio d’endettement net, aussi appelé "gearing", est un des ratios privilégiés par les analystes financiers pour évaluer la solidité de la structure financière. Il évalue le poids respectif de l’endettement financier net et des capitaux propres.

Mode de calcul du ratio d’endettement net

Le terme « gearing » signifie en anglais "levier" qui fait référence au rapport entre l’endettement et les capitaux propres. Il est égal à l’endettement net divisé par les capitaux propres :

Endettement net / Capitaux propres = %

L’endettement net représente la situation globale d’endettement financier, incluant les encours d’emprunts à MLT et CT diminués des éventuels excédents de trésorerie.

Emprunts MLT + crédits CT - excédents financiers = endettement net

Lorsque les excédents de trésorerie sont supérieurs auxemprunts, on utilise alors l’expression endettement net négatif ou excédentfinancier net.

Les capitaux propres sont constitués des apports en capital et du cumul des résultats non distribués : réserves, report à nouveau (dans la présentation française), résultat de l’exercice.

Incidences des normes IFRS sur le ratio d'endettement net

Certains traitements spécifiques aux normes IFRS ont une incidence, parfois significative sur le ratio d’endettement net, citons trois exemples :

Les emprunts convertibles en actions.

L'encours est scindé en deux composantes :

  • une composante capitaux propres représentant la valeur de l'option de conversion
  • avec l'encours total, une composante dette figurant en emprunt à MLT.

Par différence, en normes françaises, on classe la totalité de l'encours des emprunts convertibles en emprunt à MLT.

Lire aussi : L'intérêt de la notion d'endettement net

Les Titres subordonnés à durée indéterminée (TSDI)

Selon la norme IAS 32, on enregistre actuellement les titres subordonnés à durée indéterminée (TSDI) en totalité en capitaux propres. Les TSDI ont les particularités suivantes :

  • Ils n’ont pas d’échéance fixe, ils sont remboursables au gré de l’émetteur ;
  • La rémunération fixe (taux appliqué au montant nominal) n’est pas systématiquement versée, subordonnée au versement de dividendes. Lorsqu'elle n’est pas versée, elle est alors capitalisée ;
  • La rémunération est inscrite directement en diminution des réserves consolidées sans passer par le compte de résultat.  

Les agences de notation ont adopté l’usage de reclasser la moitié du montant en dette financière à MLT. Les normes IFRS pourraient évoluer dans ce sens. Ce mode de financement rencontre actuellement un réel succès. En effet, il procure à l’investisseur une rémunération supérieure aux prêts classiques. Par ailleurs, il permet à l’émetteur d’adapter ses capitaux propres aux besoins de son activité. En 2018, le groupe TOUAX, spécialisé dans la location de wagons et barges, a des TSDI représentant 45% des capitaux propres du groupe.  

Les locations selon la norme IFRS 16

La nouvelle norme applicable depuis 2019 impose d’immobiliser et de faire figurer en dette l’ensemble des locations, y compris les engagements sur les baux commerciaux sur le mode 3 - 6 - 9. Les loyers futurs sont cumulés sur la durée d’occupation la plus probable intégrant les périodes optionnelles de renouvellement si le locataire est raisonnablement certain de les exercer. Tel est le cas lorsque les frais d’agencement qu’il a engagés sont amortis sur une durée supérieure à la période non résiliable. Ce traitement comptable affecte notamment des groupes de distribution locataires de leurs magasins. Il nous semble que ces engagements locatifs ne devraient pas être pris en compte pour les ratios relatifs à l’endettement car ils sont représentatifs de simples charges d’exploitation annuelles.

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L’intérêt du ratio d’endettement net ou "gearing"

Pour la majeure partie des PME, la distinction des emprunts à MLT et des crédits à CT est pertinente. L'établissement de crédit ne prête à MLT à une PME que pour le financement d'une immobilisation et prête à CT pour financer une partie du besoin de fonds de roulement. Dans ce contexte, l'analyse du fonds de roulement et de la trésorerie nette sont pertinentes.

A l’inverse, pour la majeure partie des grandes entreprises et ETI, la distinction entre endettement MLT et CT est moins nette. Les emprunts ne sont pas affectés à un actif en particulier. Le groupe souscrit des emprunts sur le marché financier, auprès d’investisseurs privés ou des banques pour financer la totalité de son bilan. Le groupe empruntant sur les marchés financiers émettra un emprunt obligataire ou des billets de trésorerie, notamment en fonction des opportunités de marché. Les billets de trésorerie sont des titres de dette émis sur le marché monétaire avec une échéance comprise entre un jour et un an, souvent comprise entre un et trois mois. Leur remboursement est toutefois obligatoirement garanti par des lignes de crédit MT de secours garanties par un pool de banques. Dans ce contexte, le ratio d’endettement net prend toute son importance et se substitue à l’analyse du fonds de roulement.

Quel est le bon niveau du ratio d’endettement net ?

En règle générale, le résultat de 1 constitue une limite à ne pas dépasser, le résultat de 70% un seuil d’alerte, 50% est considéré comme une moyenne. Un ratio d’endettement net faible signale qu’à priori l’entreprise a des capacités d’emprunt disponibles. Elle pourra ainsi financer plus facilement une acquisition importante. Toutefois, il pourra se traduire par une faiblesse de la rentabilité des capitaux propres. A l’inverse, un ratio trop élevé, signale le risque de difficulté de remboursement devant un « mur de la dette ». Il n’existe toutefois pas de norme dans l’absolu pour ce ratio mais plutôt des moyennes par secteur.

Le ratio d'endettement par secteur

Pour un groupe donné, les analystes financiers établissent un consensus sur le bon niveau de ratio d'endettement net en fonction de différents critères.

Ainsi, une entreprise industrielle dans un secteur « capitalistique » tend à recourir davantage à l’emprunt pour financer des investissements élevés, réalise des financements d’actifs comme le crédit-bail comptabilisés ou retraités en emprunt MLT. Son activité pourra justifier un résultat supérieur à 1. Lorsque le ratio d’endettement net est élevé, il convient de s’assurer que l’entreprise génère des flux de trésorerie suffisants pour rembourser la dette. Le ratio de capacité dynamique de remboursement (Endettement net / flux de trésorerie d’activité ou Ebitda) apporte une réponse à cette question.

A l’inverse, il sera attendu d’une entreprise positionnée sur un secteur d’activité cyclique ou dont la conjoncture est incertaine un ratio d’endettement net plus faible. On prend en compte la faiblesse de ses flux de trésorerie en bas de cycle et du manque. Il en est de même pour une entreprise avec une structure de charges fixes importantes. Pour celle-ci, une légère baisse de chiffre d’affaires entraîne une baisse de résultat proportionnellement plus élevée.

Le ratio d'endettement dépend du contexte de l'entreprise

Le contexte de l'entreprise a également un impact considérable sur l’endettement. Ainsi, si une entreprise vient de réaliser une acquisition importante, un ratio supérieur à 1 pourra être momentanément acceptable.

Ce ratio dépend également de la politique financière des actionnaires. Ainsi, le groupe Manitou, leader mondial de la manutention tout terrain, a en 2018 un ratio d’endettement net proche de 14%, hors engagements de retraite. La faiblesse de l’endettement s’explique par des capitaux propres très élevés, représentant 49% du passif, structure financière spécifique d’un groupe à contrôle familial.  

Lorsqu'elle est contrainte d’améliorer ce ratio, l’entreprise procède alors souvent à la cession d’actifs « non stratégiques ». Fin 2019, le groupe Monsieur Bricolage a annoncé avoir finalisé la cession d’environ 60 magasins intégrés. Ainsi, il revient à son profil d’origine de centrale d’achats, ce qui a contribué à desserrer l’étau de la dette.  

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Ecrit par

Michel Sion

Spécialisé dans la finance d'entreprise, Michel Sion est responsable des offres de formation Trésorerie, Finance, Gestion et Comptabilité pour non spécialistes et Risque client.
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