En 1963, l’humoriste, acteur et réalisateur de cinéma américain Jerry Lewis réalise un film dans lequel, en quinze minutes, l’essentiel de la psychologie humaine est résumé dans une scène magistrale et comique à la fois (voir le lien à la fin de ce billet).
Un élixir pour combler un manque d’estime de soi
Le film campe l’histoire d’un timide professeur de chimie (Jerry Lewis), au physique peu avantageux mais aux brillantes capacités intellectuelles. Il est secrètement amoureux de Stella (Stella Stevens), une étudiante. Pour la conquérir il va tenter d'acquérir un physique bien plus avantageux grâce à des cours de musculation. Mais hélas, le succès n'est pas au rendez-vous. Aussi décide-t-il d’inventer un élixir qui le transformera. Il réussit et se métamorphose en Mister Love, un playboy, certes séducteur mais présentant quelques défauts.
Ce film montre la quête de ce professeur, malheureux d’être qui il est, et qui aimerait être bien différent. En d’autres termes il souffre d’un manque d’estime de soi.
L’estime de soi selon Will Schutz
Selon l’auteur américain Will Schutz, chercheur et docteur en psychologie, l’estime de soi est le sentiment éprouvé à l’égard de soi-même en fonction de l’écart perçu par le sujet entre la personne qu’il pense être et la personne qu’il aimerait être. Plus l’écart entre ces deux perceptions est faible plus l’estime de soi est élevée. Plus l’écart est grand, plus l’estime de soi est faible.
Sur la base de sa théorie FIRO (Fundamental Interpersonal Relations Orientation) l’auteur définit l’estime de soi par rapport aux trois dimensions de base du comportement que sont l’Inclusion, le Contrôle et l’Ouverture. Pour Schutz, ces trois dimensions répondent aux trois besoins fondamentaux d’exister, de maîtriser et d’aimer. Pour chaque dimension, l’individu recherche son équilibre personnel entre les sentiments éprouvés à l’égard de soi et les peurs dans la relation à l’autre.
Ainsi en rapport avec la dimension de l’Inclusion, l’individu cherche à exister, à être, il recherche le sentiment d’importance et se protège de la peur d’être ignoré. Pour ce qui concerne la dimension du Contrôle, l’individu cherche à maîtriser, à dominer, il recherche le sentiment de compétence et se protège de la peur d’être humilié. Et, pour ce qui concerne la dimension de l’Ouverture, l’individu cherche à aimer, et à être aimé, il recherche le sentiment d’amabilité et se protège de la peur d’être rejeté.
Ainsi, l’estime de soi se mesure aux écarts entre se sentir important ou pas, se sentir compétent ou pas, se sentir aimé ou pas.
Une quête individuelle à la recherche de soi-même
La quête individuelle de chaque être humain consisterait à développer des relations humaines dans le but de se sentir important, compétent et aimé dans la mesure qui lui convient le mieux.
Telle est la quête du personnage de Jerry Lewis, et son élixir va lui apporter. La scène mythique du film montre le nouveau visage du professeur de chimie transformé en playboy séducteur.
Une scène exceptionnelle qui illustre à merveille la théorie FIRO de Schutz
En effet, la scène commence par l’Inclusion et le sentiment d’Importance quand Mister Love entre dans le club de jazz. Tout s’arrête, tous prêtent attention à Mister Love. La scène se poursuit alors par une démonstration de sa domination et du Contrôle des autres : le barman, les clients, les musiciens, le public et Stella. Ensuite la phase d’Ouverture s’amorce avec le désir de séduire Stella. Mais le comportement de contrôle persiste et donne un côté macho exacerbé à Mister Love qui parvient difficilement à dire son amour. Aussi évoque-t-il ses sentiments en chantant « that all black magic feeling called love ».
Voilà comment le clown Jerry Lewis qui n’a jamais entendu parler de théorie FIRO, mais qui connaît l’âme humaine, illustre à sa façon ce qui guide chaque individu dans son existence : trouver sa place dans le monde, diriger son existence, aimer. Qui ne rêve pas d’être un personnage important, compétent et aimé ?
Bon visionnage !