Commerciaux, comprenez mieux vos acheteurs en temps de crise
- Philippe, si vous aviez en face de vous des commerciaux, quels conseils donneriez-vous pour mieux travailler avec eux cette année ?
- Pourquoi ces 3 conseils, tout particulièrement ? Et pourquoi ne pas plutôt leur conseiller de mieux s’armer en négociation ?
- Et ces priorités sont-elles les mêmes en 2012 ?
- Le fournisseur devient donc un risque ! et en quoi cette nécessaire maîtrise du risque fournisseur impacte-t-elle le métier des acheteurs au quotidien ?
La crise actuelle impacte les commerciaux, mais aussi les fonctions et les collaborateurs de l’entreprise en contact direct avec vos équipes commerciales, et je pense ici aux acheteurs. Pour mieux comprendre ce qui change pour les acheteurs professionnels, j’ai interviewé Philippe PETIT, responsable des formations Achats chez Cegos et dont la 2ème édition de l’ouvrage « Toute la fonction Achats » vient de paraître.
Je partage avec vous dans ce billet, à travers la vision d’un acheteur, quelques pratiques commerciales à privilégier pour développer la collaboration acheteur-vendeur.
Philippe, si vous aviez en face de vous des commerciaux, quels conseils donneriez-vous pour mieux travailler avec eux cette année ?
Je leur en donnerais 3 :
- Rassurez vos clients-acheteurs ; ils en ont plus que jamais besoin cette année. Et soyez vigilants à ne pas leur envoyer de signaux faibles : tous ces changements d’attitude qui pourraient être interprétés par vos clients comme des signes avant-coureurs de problèmes internes (problèmes financiers, baisse des ventes,…).
- Préparez encore et toujours vos dossiers : et préparez-les en ayant au maximum anticipé leurs questions, leur demandes, leurs doutes. Et arrivez à vos rendez-vous avec des preuves, des faits.
- Enfin, partagez le curseur de l’information : communiquez de l’information propre à aider l’acheteur dans ses choix et amenez-le ainsi à vous en donner en retour.
Pourquoi ces 3 conseils, tout particulièrement ? Et pourquoi ne pas plutôt leur conseiller de mieux s’armer en négociation ?
Bien évidemment, un commercial doit toujours savoir bien négocier face à un acheteur, mais cela ne suffit plus. Si les commerciaux veulent mieux collaborer avec leurs acheteurs, ils doivent intégrer leurs priorités. Or, depuis quelques années, 3 priorités reviennent de façon récurrente dans les objectifs des directions achat :
- La réduction des coûts : c’est bien évidemment la priorité N°1 des acheteurs !
- La maitrise du risque fournisseur : c’est la capacité des acheteurs à anticiper tous les risques dans la relation avec leurs fournisseurs, du simple retard de livraison à la cessation de paiement, en passant par la non-qualité, la non-fiabilité de livraison…
- La gestion des relations avec les fournisseurs et tout particulièrement la responsabilité sociétale : il existe depuis 2010, à l’initiative de la Compagnie des Dirigeants et des Acheteurs de France, une charte des 10 engagements pour des achats responsables. Cette charte rappelle un certain nombre de bonnes pratiques à mettre en œuvre dans le cadre des relations entre les grands donneurs d’ordre et les PME fournisseurs – respect des délais de paiement, maîtrise des risques de dépendance, entre autres. A ce jour, 235 entreprises ont signé cette charte.
Et ces priorités sont-elles les mêmes en 2012 ?
Si on écoute les directeurs achats dans les journaux, les salons, ils vous parlent d’achat responsable, de priorité à l’innovation… maintenant, la réalité est toute autre.
En janvier 2012, AgilBuyer et HEC ont mené pour la deuxième année consécutive une étude auprès de plus de 400 décideurs achats pour connaitre leurs priorités pour cette année. Deux faits marquants sur cette étude :
- La priorité reste plus que jamais la réduction des coûts et prend encore plus d’importance, certainement la peur d’une baisse de rentabilité liée à la crise. C’est particulièrement vrai dans l’automobile, la chimie, mais aussi dans le domaine informatique.
- La maîtrise du risque fournisseur prend encore plus d’importance et devient une priorité absolue, reléguant toutes les autres au second plan. La crise n’explique d’ailleurs pas tout sur ce point, il y aussi un « effet Fukushima » : la volonté de se prémunir des risques quels qu’ils soient (environnementaux, de sécurité, de livraison).
Le fournisseur devient donc un risque ! et en quoi cette nécessaire maîtrise du risque fournisseur impacte-t-elle le métier des acheteurs au quotidien ?
Ce qui est visible, c’est que cette crise rend les acheteurs un peu nerveux, mais avec cette vertu de rendre les acheteurs plus soucieux d’acquérir une bonne expertise sur ce qu’ils achètent.
Ce que je constate, c’est que les acheteurs commencent à se former à l’analyse financière de leur fournisseur : savoir analyser la santé de l’entreprise fournisseur, mieux maitriser son processus de production. Les commerciaux vont avoir en face d’eux des acheteurs qui deviendront petit à petit plus indiscrets, plus inquisiteurs qu’avant ! Ce n’est pas pour tout de suite mais très certainement, dans quelques années, les acheteurs professionnels maitriseront au moins aussi bien que leurs fournisseurs les aspects financiers de la collaboration client-fournisseur.
La volonté de maîtriser le risque fournisseur a également un impact direct sur le choix du nombre de fournisseurs : si certaines entreprises se mettent en position de réduire leur panel de fournisseurs, pour d’autres, au contraire, on observe un retour en arrière sur la politique mono-fournisseur, et la volonté de diversifier ses achats pour réduire la dépendance, et donc le risque.
Ce qui me ramène aux 3 conseils : rassurez quant à votre maîtrise des risques, préparez pour anticiper les demandes, partagez l’information pour mieux collaborer.
Et je terminerai par une astuce : consultez régulièrement les deux revues de référence pour les acheteurs : La Lettre des Achats et Décision Achats, vous y comprendrez d’autant mieux leurs préoccupations.