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KRALJIC, bien plus qu’une simple « matrice »

Philippe PetitManager Offre et Expertise Achats - Secteur Public - International Cegos

En 1983, Peter Kraljic publie un article* dans la Harvard Business Review où il développe un outil d’analyse des achats. De nombreux auteurs et praticiens réduisent, à tort, cette manière de segmenter les produits à une simple et unique illustration, « LA matrice de KRALJIC ». Cependant, en revenant au texte original, nous constatons que l’approche de P. KRALJIC s’avère bien plus sophistiquée pour élaborer des stratégies achats.

Décryptage.

Poser un diagnostic : 1ère « matrice » Kraljic

L’approche de P. KRALJIC est très progressive. Ainsi, avant de définir les 4 étapes de son analyse stratégique d’un portefeuille achats, il commence par poser les fondations : la stratégie Achats dépend de deux facteurs :

  • L’importance de l’achat « en termes de Valeur Ajoutée, part achats dans le coût total et l’impact sur la profitabilité, … » : c’est donc un enjeu économique (impact sur la marge). Cependant P. KRALJIC reste relativement vague quant à la quantification de cette notion.
  • La complexité du marché fournisseurs : liée aux contraintes (« rareté, cycles produits, monopoles, … ») c’est-à-dire ce qu’on appellerait en français « les facteurs de risques », donc les causes de défaillances d’approvisionnement.

Il dessine un premier outil visuel qui permet de déterminer le type de stratégie à appliquer :

Il est intéressant de noter que dès le début de sa démarche, l’auteur propose déjà des orientations stratégiques concrètes afin de « tirer parti du rapport de force vis-à-vis des fournisseurs importants ET de réduire les risques ».

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4 étapes pour élaborer la stratégie : 2 autres « matrices »

Etape 1 : Classification du portefeuille de produits achetés

Afin de pouvoir se focaliser sur les achats à forts enjeux, P. KRALJIC propose une catégorisation des produits achetés suivant 2 critères :

  • Le « Profit impac» est défini, sommairement d’ailleurs, en termes de volume achats, de % du coût total d’achat ou d’impact sur la qualité du produit ou sur la croissance du business.
  • Le « Supply risk» ou risque d'approvisionnement est, lui, défini en termes de disponibilité, nombre de fournisseurs.

Ces deux critères permettent d’identifier 4 types de produits achetés :

Par conséquent, ces deux axes ("Profit impact" et "Supply risk") déterminent les actions à mener ainsi que les informations à recueillir afin de décider d’approfondir ou non les analyses en fonction de l’enjeu.

Notons des extrapolations possibles non mentionnées par l’auteur : passer de « produits achetés » à « famille achats », sur un portefeuille achats complet ou limité à un projet, un programme, ou une ligne de produits ; et pourquoi pas changer complètement d’angle en classant les fournisseurs ?

Etape 2 : Analyse du marché.

Il s’agit maintenant d’évaluer sa puissance d’achats, c’est-à-dire le rapport de force entre l’entreprise acheteuse et le marché fournisseur suivant 20 critères, 10 du côté acheteur et 10 en parallèle côté vendeur. Cette analyse permet déjà de déterminer des leviers d’actions, voire des positionnements stratégiques.

Etape 3 : Positionnement des produits « stratégiques »

Et voici la seule véritable « matrice » identifiée comme telle par P. KRALJIC : « la matrice du portefeuille achats ».

On détermine ainsi 3 cas de figure permettant de caractériser 3 types de stratégie :

  • Profiter (stratégie « agressive »),
  • Équilibrer
  • Diversifier (stratégie défensive).

Étonnement, l’auteur n’analyse que les produits identifiés comme stratégiques en Etape 1 (Profit impact et Risque d’approvisionnement élevés).

Etape 4 : Plans d’action

Pour cette dernière phase très logique mais toujours limitée aux produits « stratégiques », P. KRALJIC fournit des clés pour choisir les leviers permettant de déployer les axes stratégiques en plans d’action en fonction de la typologie issue de l’étape 3.

Conclusion

Rendons à Peter ce qui appartient à Peter et, en partant de ses fondamentaux, autorisons-nous à pousser les analyses sur le portefeuille complet (non limité aux produits « stratégiques »).

Par ailleurs, le croisement « Profit » / « Risque » nous semble incontournable à condition de définir plus précisément ce que recouvre chacun de ces 2 axes, quitte à les modifier légèrement. Ainsi, « profit impact » peut être simplifié en toute première approche en « Montant acheté », plus facile à quantifier. « Risque d’approvisionnement » peut être, quant à lui, étendu à tous types de risques tout en combinant « les facteurs de risque (causes) » avec « l’impact (la conséquence) » sur le business de l’entreprise acheteuse.

Quoi qu’il en soit et même 35 ans plus tard, cette méthodologie reste d’actualité. P. KRALJIC la justifiait à l’époque par contexte « instable » du fait notamment de la « raréfaction des matières premières, de turbulences politiques, de changements technologiques, … » ! En outre, même s’il ne mentionnait que les grosses entreprises industrielles, l’approche s’avère parfaitement adaptable à tout type d’organisation et dans n’importe quel secteur.

*« Purchasing Must Become Supply Management », de Peter Kraljic

Ecrit par

Philippe Petit

Avant de rejoindre Cegos, Philippe a pratiqué achats et ventes, notamment dans le secteur de l'automobile et la distribution spécialisée.Il conçoit, développe et fait développer des formations achat et anime un réseau d'intervenants, acheteurs, juristes et financiers. Il dirige également une formation diplômante "Responsable achats".Par ailleurs, il est auteur et co-auteur de :• Toute la fonction achats, Dunod• La boîte à outils de l’acheteur, Dunod• Toute la fonction management, Dunod
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