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La naissance du Bilan d'Etape Professionnelle est bien difficile. D'Accords Nationaux Professionnels en texte législatif, il est fréquemment cité sans être pour autant applicable à ce jour. Cette difficulté reflète les ambiguïtés d'un dispositif de positionnement et d'orientation situé dans l'entreprise.
Le Bilan d'Etape Professionnel fait sa première apparition dans l'ANI du 11 janvier 2008 sur la modernisation du marché du travail. Celui ci indique que des dispositions légales ou conventionnelles de branche sont nécessaires à sa mise en œuvre, et donc ses dispositions ne sont pas applicables en tant que telles.
Il est cependant intéressant de noter le sens que veulent lui donner les partenaires sociaux. Inséré dans un article 6 sur "Le développement des compétences et des qualifications des salariés", il est présenté comme "un outil susceptible d'aider (les salariés) dans la construction de leur parcours professionnel, comme "une prestation simple" "destinée à inventorier de manière prospective et à périodicité régulière leurs compétences". Elle doit leur permettre "d'évaluer leurs besoins de compétences".
La "simplicité" de la prestation ainsi recherchée se situe-t'elle implicitement par rapport au bilan de compétences ? S'agit il d'un "bilan de compétences allégé", accessible à tous ? Les partenaires sociaux précisent que le bilan d'étape "ne se cumule pas" avec les dispositifs d'orientation et de bilan mis en place par l'ANI de décembre 2003 (entretien professionnelle, passeport formation) et par l'ANI du 13/10/2005 sur l'emploi des seniors (accès renforcé au bilan de compétences pour les salariés ayant au moins 45 ans ou 20 ans d'ancienneté, entretien de deuxième partie de carrière pour les plus de 45 ans).
Le bilan d'étape réapparaît dans l'ANI du 14 novembre 2008 sur la GPEC. Inséré dans un chapitre "Diagnostic individuel", il "contribue à la réalisation du diagnostic individuel", tout en ne constituant pas "un élément exclusivement dédié à la GPEC". Les objectifs qui sont assignés au bilan d'étape par les partenaires sociaux sont alors les suivants :
Les partenaires sociaux distinguent nettement ce bilan de l'entretien d'évaluation. Et précisent que "lorsqu'il est réalisé dans l'entreprise et que la taille et la structure de l'entreprise le permettent, il ne peut être fait par la hiérarchie directe de l'intéressé".
Conclusion :
Les partenaires sociaux précisent les cumuls des dispositifs, et on arrive à l'éventail suivant :
Le bilan d'étape bénéficie tous les cinq ans aux salariés qui le souhaitent, ayant au moins deux ans d'ancienneté dans l'entreprise. La demande du salarié ne peut être refusée par l'entreprise. Tous les salariés sont informés par leur entreprise du droit qui leur est ainsi ouvert.
Les partenaires sociaux, dans cet accord ainsi que dans l'ANI sur le développement de la formation tout au long de la vie professionnelle de janvier 2009, prévoient que les modalités de mise en œuvre et le contenu du bilan d'étape seront définis par un avenant. Et c'est là que les choses se compliquent...
Cet avenant précise le contenu du bilan d'étape. La "phase d'analyse "menée en commun" par le salarié et l'employeur permet d'apprécier" :
L'employeur ne peut refuser la demande de bilan d'étape, et celui ci doit intervenir dans les 30 jours de la demande. "Avant la réalisation du bilan d'étape, les salariés sont informés des moyens d'accès à l'information sur les métiers, le secteur d'activité, les résultats des travaux de l'observatoire de branche, la situation de l'emploi dans le territoire".
Le bilan d'étape est "réalisé par l'entreprise" (noter ici l'évolution par rapport à la rédaction de l'ANI GPEC) "dans des conditions définies par le chef d'entreprise (...) après information des institutions représentatives du personnel lorsqu'elles existent". "Le personnel d'encadrement devra pouvoir bénéficier du bilan d'étape professionnel et d'une préparation à la conduite de ce bilan".
En juin 2009, faisant usage pour la première fois du droit de veto qui leur est conféré par la réforme de la représentativité de 2003, la CGT, FO et la CFTC ont bloqué l'avenant sur le bilan d'étape professionnel. Ces organisations syndicales craignent en effet :
De leur coté, les organisations syndicales signataires, tant du coté patronal que salarié, indiquaient que leur volonté avait été de permettre aux salariés les plus fragiles "de bénéficier d'une écoute" (CGPME) tout en ayant un dispositif "qui ne coute pas trop cher" (CFDT).
Cette opposition rend aujourd'hui de fait inapplicable la mise en œuvre du bilan d'étape professionnel.
Le législateur reprend le droit pour le salarié à bénéficier tous les 5 ans d'un bilan d'étape, à partir de deux ans d'ancienneté (art. L 6315-1). Les finalités du bilan reprises par le législateur sont les suivantes:
On notera l'ambition minorée de ce texte, au regard de celle des ANI de 2008 et 2009. On ne voit plus très bien, dans cette rédaction, la différence entre bilan d'étape et entretien professionnel...
Et le législateur renvoie aux partenaires sociaux le soin de déterminer, par ANI étendu, les conditions d'application du bilan d'étape professionnel ! Retour à la case d'avant mars 2009...
Dernier épisode (provisoirement). L'ANI du 5 octobre dernier, actuellement proposé à la signature (et donc non encore applicable), qui a pour ambition de fusionner les ANI de décembre 2003 et de janvier 2009, réaffirme le rôle de l'entretien professionnel et du bilan de compétences, et renvoie la négociation des modalités de financement du bilan d'étape... à la négociation d'un avenant !
Pour les connaisseurs de Tintin, on a un peu l'impression d'avoir affaire au sparadrap du Capitaine Haddock...
Derrière ces difficultés de la négociation, c'est bien le rôle de l'entreprise dans l'élaboration du parcours professionnel du salarié qui est en question.
Si le bilan d'étape émerge un jour véritablement de cet imbroglio, le salarié disposera de trois outils clés pour son positionnement et son orientation : l'entretien professionnel, le bilan d'étape professionnel, le bilan de compétences.
Ces trois dispositifs reposent tous sur le postulat que le salarié doit être "acteur de son projet professionnel", et pour cela informé des évolutions de l'emploi et conscient des compétences qu'il a capitalisées et de celles qu'il lui faudrait acquérir pour "s'adapter aux évolutions de l'emploi" ou entrer dans un nouveau projet. On est toujours dans "le modèle de l'acteur" : "Cette représentation" ("de chacun comme un sujet autonome" (...) "capable d'indépendance par rapport aux configurations concrètes dans lesquelles il se trouve pris") "nous conduit à considérer le développement personnel de chacun comme une sorte de règle morale fondamentale qui peut s'énoncer ainsi : "Construis-toi toi même"'. (J. Guichard et M. Hurteau, 2001, cités par V. de Clarens-Briet, Actualité de la Formation Permanente (AFP) n°218).
Conscients que nous ne sommes pas tous égaux devant cette injonction, partenaires sociaux et législateur tentent d'outiller les salariés.
Mais on mesure les difficultés rencontrées :
Entretien professionnels et bilan d'étapes s'adressent aux salariés, et plutôt à ceux qui ont un emploi stable. De son coté, le bilan de compétences s'adresse également aux demandeurs d'emploi.
De fait, le recul que nous avons sur l'entretien professionnel nous montre que ce sont les salariés les mieux formés, et des grandes entreprises, qui en bénéficient le plus... et donc pas forcément les plus dépourvus pour "être autonomes par rapport aux configurations concrètes dans lesquelles ils se trouvent pris".
Le bilan d'étape se veut plus ambitieux que l'entretien professionnel (du moins dans les ANI de 2008 et 2009). Au delà des objectifs de professionnalisation de court terme, et du plan de formation individuel qui en découle, il se veut être un outil de la sécurisation du parcours professionnel. Voir à ce sujet la comparaison établie par M. H. Cauet dans AFP n°218.
On comprend bien que la localisation de ce dispositifs dans l'entreprise répond à des objectifs de "simplicité" et "de coût pas trop élevé".
Mais n'y a t'il pas une contradiction à demander à l'employeur d'accompagner des trajectoires "aux lignes brisées", s'effectuant non seulement en son sein mais dans de multiples entreprises, et sous de multiples statuts (CDD de plus ou moins courte durée, CDI, intérim, travailleur indépendant, demandeur d'emploi...) ?
Sauf à se dire que ces outils d'accompagnement bénéficieront en fait aux salariés titulaires d'un emploi stable, dans une optique de prévention ? Mais cette ambition serait alors limitée au regard des enjeux !
Les personnes les plus fragiles au regard de la "sécurisation de leur parcours professionnel", les moins "actrices de leur parcours", aussi, ne sont pas forcément dans l'emploi salarié, encore moins avec deux ans d'ancienneté dans la même entreprise. L'encadrement de l'entreprise n'a pas généralement les compétences et le recul nécessaires à l'élaboration d'un diagnostic distancié par rapport à la performance dans l'activité perçue au quotidien, ni le champ de vision nécessaire à l'élaboration d'un projet à moyen terme (5 ans).
D'où la naissance difficile du bilan d'étape. Si l'on veut résoudre les contradictions pointées ci dessus, et pour cela le faire vivre largement en dehors de l'entreprise, comme cela était prévu dans la première rédaction de l'ANI de janvier 2008, il faut trouver des moyens de financement...
Et s'il vit en dehors de l'entreprise, a t'on vraiment besoin d'un nouveau dispositif, entre l'entretien professionnel et le bilan de compétences ? Ce dernier, protecteur de la personne (étapes de déroulement prévues par la loi, secret professionnel...) ne répond il pas potentiellement aux besoins d'individus en construction permanente de leur parcours ?
Et si ce n'est pas toujours le cas, pourquoi ne pas chercher à mieux garantir la qualité de la prestation des organismes agréés pour la conduite des bilans, plutôt que d'intercaler un nouveau dispositif ?
Opération impossible