AFEST : diagnostiquer la faisabilité
La Loi Avenir Professionnel élargit la notion d’action de formation. Cependant, la qualification d’Action de Formation en Situation de Travail, l'AFEST, obéit à des critères assez précis. Après un premier engouement, il y a un risque de voir des entreprises se décourager, ayant le sentiment que les conditions sont trop difficiles à réunir. De fait, un diagnostic de faisabilité s’impose.
Quels sont les critères à réunir pour l'AFEST ?
L’article D6313-3-2 du Code du Travail précise que la mise en œuvre d'une action de formation en situation de travail comprend :
- L'analyse de l'activité de travail pour, le cas échéant, l'adapter à des fins pédagogiques,
- La désignation préalable d'un formateur pouvant exercer une fonction tutorale,
- La mise en place de phases réflexives,
- Celles-ci sont "distinctes des mises en situation de travail". Elles visent à "utiliser à des fins pédagogiques les enseignements tirés de la situation de travail". Elles permettent "d'observer et d'analyser les écarts entre les attendus, les réalisations et les acquis de chaque mise en situation afin de consolider et d'expliciter les apprentissages",
- Des évaluations spécifiques des acquis de la formation qui jalonnent ou concluent l'action.
Pourquoi ces critères ?
Ils sont issus des travaux de chercheurs et aussi des expérimentations menées sur le terrain. Ils permettent de réunir les conditions pour qu’un apprentissage, pérenne et transférable à d’autres situations, ait lieu.
À lire >>Action de formation en situation de travail (AFEST), de quoi parle-t-on ?
Réunir les critères de l’AFEST : quels enjeux ?
L’enjeu majeur est l’efficacité pédagogique de l’action. Mais il y en a d’autres :
- Le financement, dans le cas où l’employeur souhaite faire financer une action de formation "totalement ou partiellement" en situation de travail, au titre du plan (entreprises de moins de 50 salariés), de l’alternance,
- Et la comptabilisation de l’action comme « action de formation » lors du bilan à 6 ans.
Quelles questions pour le diagnostic de faisabilité ?
Faisabilité liée aux ressources disponibles
C’est la première inquiétude qui est formulée. Qui va trouver le temps pour assurer l’ingénierie du parcours et en faire respecter les étapes ? Pour être formateur ? Pour mener les entretiens d’explicitation ? Qui est compétent pour assurer ces rôles ?
L’AFEST n’est pas « une formation sur le tas avec un peu de paperasse en plus ». C’est un dispositif formel qui requiert une ingénierie spécifique et du temps dédié.
Prenons les temps cités par le Rapport du CNEFOP pour certaines expérimentations :
On voit que dans une AFEST, le « temps formateur » est dissocié du « temps apprenant » et qu’il y a d’autres acteurs qui interviennent. On voit aussi qu’il y a tout intérêt à capitaliser l’ingénierie, afin qu’elle puisse être au moins partiellement réutilisée pour des actions ultérieures.
La première question du diagnostic de faisabilité porte donc sur la capacité de l’entreprise de préserver la disponibilité des acteurs concernés en internes : l’apprenant lui-même, le formateur, la personne en charge des entretiens d’explicitation, de l’ingénierie et du pilotage du parcours…
Compte tenu du fait qu’une partie de ces missions peut être sous-traitée.
Faisabilité liée à l’environnement de l’apprenant et du formateur
Il s’agit de l’environnement « à 180° » de l’apprenant et du formateur :
- La Direction tout d’abord. Est-elle engagée dans le projet ? Prête à le faire respecter ? À communiquer dessus, y compris aux partenaires sociaux ?
- Le manager de l’apprenant. Apprendre prend du temps et implique d’avoir le droit à l’expérimentation et à l’erreur. Le manager est-il prêt à l’accepter ?
- Le manager du formateur. Certes, il n’est pas nécessaire que le formateur soit présent en permanence aux côtés de l’apprenant. Mais il faut tout de même prévoir des séquences de démonstration, d’explication, d’observation, des entretiens réguliers… (Cf. le tableau ci-dessus) ! Le manager du formateur est-il prêt à l’accepter ?
- Les collègues de travail de l’apprenant. Il leur faudra peut-être compenser le manque de productivité de la personne en formation, jouer le rôle de compagnons de proximité. Sont ils prêts à l’accepter ?
À découvrir >> AFEST : faire le diagnostic d’opportunité
Faisabilité liée au projet de l’apprenant et à celui du formateur
Comme pour toute action de formation, l’engagement de l’apprenant est une condition de succès incontournable. Rien ne se passera si l’apprenant n’adhère pas au projet qui lui est proposé, s’il ne le fait pas sien, à partir du projet qu’il a pour lui-même. L’AFEST ne se distingue pas en cela des autres modalités. Mais lorsque l’apprenant ne s’engage pas dans une AFEST, cela se voit tout de suite…
Le rapport souligne à cet égard le rôle clé du positionnement. il permet « d’accrocher le besoin », de « s’appuyer sur une motivation à progresser du bénéficiaire » et de prendre en compte ses souhaits de progression. « Quand les besoins ont été tenus pour acquis, ou que le positionnement a été décalé dans le temps par rapport au démarrage de l’action de formation, cela n’a pas été favorable », relève le CNEFOP.
Ainsi, l’échec de l’une des expérimentations semble provenir du fait que la salariée n’avait pas conscience d’avoir à progresser sur la partie relationnelle de la relation commerciale, que visait l’AFEST. Son besoin ressenti portait plutôt sur la partie technique du métier. Cet écart a été diagnostiqué trop tard, et l'efficacité de l'action s'en ressent fortement. Bien sûr, il faut que le formateur ait le projet de partager ses pratiques, expliciter ses façons de faire, accompagner…
Faisabilité liée aux conditions de travail et à son organisation
Il y a enfin l’environnement physique de travail, au sens très concret du terme : bruit, situations dangereuses, lieux de travail dispersés, horaires décalés...
Ces facteurs s’analysent comme des contraintes, des données d’entrée, qui obligeront d’adapter l’ingénierie du dispositif. Celui-ci pourra ainsi intégrer des séquences « en dehors du travail ». C’est pourquoi l’AFEST ne peut relever de formats standardisés. La mise en œuvre des critères se fera différemment suivant les objectifs professionnels visés, la culture de l’entreprise, le contexte.
La première condition de faisabilité, c’est donc de disposer d’une ressource, interne ou externe à l’entreprise, pour procéder à ce diagnostic et réaliser l’ingénierie du dispositif en prenant en compte les contraintes existantes.