La valorisation des entreprises naissantes 3/3
Pour cette dernière partie, jetons un regard sur les options réelles, méthodologie employée en assurance notamment, assez novatrice et particulièrement adaptée au cas qui nous occupe.
La méthode de valorisation des start-up par les options réelles
- Cette méthode est bien adaptée aux start-up car elles sont toujours en train d’innover, de tester un produit, un marché jusqu’à trouver le bon.
- C’est une méthode est inspirée de la valorisation des options financières (options sur actions). Elle se fonde sur la construction d’une arborescence plus ou moins complexe en fonction des projets à l’étude. A chaque point nodal de l’arborescence, une décision (donc une direction) doit être prise. Deux variantes existent :
- la méthode peut être mise en œuvre en mode continu, ce qui signifie que nous avons un point de départ et un point d’arrivée mais aucune étape intermédiaire.
- Elle peut aussi être réalisée en mode discret, c’est-à-dire en pas-à-pas ;
- Chaque opportunité d’investissement est conçue comme une option d’achat dont la prime constitue la mise de fonds ;
- A chaque node, l’entreprise peut décider d’accélérer, d’abandonner ou de pivoter, c’est-à-dire de réinventer son produit pour l’adapter au marché cible. Cette agilité est capturée par les options réelles.
- Chaque tour de table est conçu comme un node qui permet à la start-up d’aller d’une étape à l’autre. A chaque node est assignée une probabilité de réalisation.
- La valorisation se construit sur la base de chacun de ces nodes dans lesquels sont encapsulés les valeurs actuelles nettes des mini-décisions prises. La somme en constitue la valorisation globale.
- Plus l’arborescence est fournie et détaillée, plus la valorisation est précise.
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Quelles sont les catégories d'option ?
- Croissance : une entreprise décide de réaliser un investissement aujourd’hui. Si ce dernier s’avère fructueux, elle peut décider de réinvestir dedans pour en augmenter sa valeur.
- Attente : une fois l’autorisation (licence ou autre) obtenue, une entreprise décide du timing de lancement de son activité.
- Développement séquentiel : à chaque étape, l’entreprise peut soit développer, soit arrêter le projet.
- Abandon : elle permet à la start-up d’abandonner le projet et de le revendre à un tiers.
- Echange : si la start-up utilise des composants essentiels dans son process de production mais qu’il existe des substituts, l’entreprise peut les exploiter.
- Extension ou de contraction : une fois la capacité de production calibrée, si le projet fonctionne bien, la société peut envisager une seconde unité de production ou au contraire réduire cette capacité.
- Apprentissage : l’entreprise décide d’attendre d'avoir les informations vitales pour la réalisation de son projet avant de le lancer.
Les options réelles et ses limites
La méthode des options réelles permet de capturer une valeur supplémentaire non intégrée par le DCF. Pour rappel, le DCF se concentre sur un seul scénario, les options réelles sur de multiples. Les options réelles sont valorisées comme les options financières. Or, les conditions qui prévalent pour ces dernières sont difficilement réunies dans les start-up :
- Un sous-jacent très illiquide : les participations en capital dans les start-up sont très difficilement négociables et donc foncièrement illiquides ;
- les fondateurs doivent imaginer des scénarios très dégradés menant à la faillite parmi toutes les options présentées, ce qui évidemment n’est pas dans leur nature ;
- La complexité de l’approche la rend difficile à implémenter et à communiquer.
Pour autant, une coexistence entre méthode des flux et options réelles est possible et n’est pas antagoniste. En effet, les méthodes des DCF et des options réelles sont complémentaires. Le DCF est conçu comme donnant une valorisation plancher tandis que les options réelles impactent positivement la valorisation en capturant la partie positive de l’incertitude.
Au cours du temps, le poids relatif de chaque composante de valorisation varie en donnant progressivement une part prépondérante au DCF (pour des entreprises ayant atteint 3 années d’existence au moins). Au début toutefois (entreprises naissantes jusqu’à atteindre 2-3 ans d’existence) la méthode des flux prévaut.
Synthèse des méthodes revues
Méthodes de valorisation classiques (DCF, Multiples)
Ces méthodes sont peu adaptées aux sociétés naissantes car elles impliquent :
- Souvent un seul et unique scénario, peu réaliste.
- Que les entreprises comparées à la start-up lui soient précisément incomparables.
- Un plan d’affaire très détaillé et fourni avec un référentiel historique inexistant pour les start-up.
Finalement, elles mènent au final à une valorisation peu en rapport avec la réalité.
Méthodes des praticiens (First Chicago Method, Venture Capitalists)
Ces méthodes sont simples et pragmatiques. Elles ne reposent sur aucun fondement théorique. Leurs hypothèses sont restreintes et elles sont basées sur le jugement humain pour l’essentiel.
De mise en œuvre assez simple, elles conduisent la plupart du temps à des valorisations assez élevées et; elles aussi, écartées des réalités.
Méthode des options réelles
- Cette méthode est la plus adaptée aux start-up car elle intègre de multiples possibilités.
- De mise en œuvre assez complexe, elle est en outre basée sur des hypothèses assez restrictives.
Cette méthode, en pratique assez peu utilisée, peut être utilement conjuguée avec la méthode des flux dans une vision temporelle qui vise à donner un poids relatif à chacune en fonction du degré d’incertitude qui prévaut.
La valorisation est un art difficile. Ceux qui s’y attèlent le savent et demeurent donc humbles devant la complexité des situations rencontrées. Un inventaire des approches est un premier pas pour éclairer le sujet. Sa mise en pratique se révèle plus ardue et nécessite la prise en compte du contexte et une profonde écoute des acteurs du projet.
Article rédigé par Patrick Daguet, Directeur académique de l’Exécutive Mastère Spécialisé® Direction Financière de l’IÉSEG et Cegos.