Analyse stratégique : comment utiliser le modèle VRIO ?
Une des questions clés de l’analyse stratégique d’entreprise porte sur l’existence de compétences ou de ressources clés permettant à l’entreprise d'acquérir un avantage concurrentiel, le modèle VRIO permet de répondre à cette question fondamentale.
Comprendre le modèle VRIO
Le modèle VRIO formalisé en 1995 par le professeur américain Jay Barney constitue un cadre pour répondre à cette question.
L’analyse stratégique se réalise dans un environnement concurrentiel. Dans le cadre de l’analyse stratégique interne, le modèle VRIO vise à évaluer ce que Jay Barney nomme la « capacité stratégique » de l’entreprise, c’est à dire ses compétences et ressources (actifs corporels et incorporels) distinctives lui procurant un avantage concurrentiel.
Cette capacité stratégique regroupe :
- Des savoir-faire spécifiques, des compétences autonomes ou reliées entre elles dans un processus de l’entreprise : innovation, R&D, marketing, commercial, production, logistique, gestion des RH ;
- Des actifs corporels, par exemple, pour un hôtel propriétaire de ses murs, la qualité et l’emplacement du bâtiment, un stock important qui assure une complétude d’offre de produits, une localisation géographique spécifique ;
- Des actifs incorporels : un brevet, une marque à forte notoriété, un large portefeuille client, des partenariats bien établis avec des fournisseurs ou des clients, un système d’information. Ces actifs incorporels sont ou non reconnus comptablement.
L’acronyme VRIO résulte des termes suivants : Valeur – Rareté – Inimitabilité – Organisation auxquels on confronte les compétences et ressources de l’entreprise.
VALEUR. La compétence ou la ressource contribue à créer de la valeur pour le client, par exemple, permet de produire à un bon niveau de qualité, à un coût plus faible, de couvrir l’ensemble des besoins du marché est une marque attractive pour les clients.
RARETÉ. La compétence ou ressource stratégique est unique sinon rare. Des compétences rares sont par exemple la tôlerie et rivetage pour la construction navale, la maîtrise du travail du cuir pour l’industrie du luxe, un système de veille technologique unique permettant de répondre à tous les besoins clients. Une compétence ou ressource partagée par tous les acteurs du marché ne serait par définition pas distinctive ;
INIMITABLE. Si la ressource est rare mais facilement imitable, elle procure un avantage concurrentiel qui n’est que temporaire. Si en outre, elle est difficilement imitable ou substituable, elle procure un avantage durable. Un nouveau concurrent devrait consacrer beaucoup de temps et d’argent pour développer cette ressource sans nécessairement avoir l’assurance de rentabiliser son investissement.
Souvent le savoir-faire distinctif d’une entreprise est difficilement imitable car il correspond à plusieurs compétences non formalisées, mises en œuvre en interaction les unes avec les autres dans le cadre d’un processus et en outre, dans le cadre d’une culture d’entreprise donnée. Le savoir-faire est difficilement imitable car il forme un tout. L’entreprise bénéficie alors d’une barrière à l’entrée informelle. L’expérience montre qu’une forte culture d’entreprise pourra rendre plus difficile l’intégration avec succès de sociétés nouvellement acquises.
ORGANISATION. Ce critère fait référence à la capacité du management au sens large (systèmes d’information, nature des objectifs, mode de prise de décision, etc.) à bien exploiter ces ressources. La ressource stratégique doit être reconnue comme telle par la direction pour pouvoir être suffisamment mise en valeur.
Lire aussi : Mener l'analyse par les flux de trésorerie
Toutes les compétences et ressources d’une entreprise ne sont évidemment pas distinctives. L’auteur utilise l’expression « capacité seuil » pour désigner les compétences et ressources de base nécessaires pour pouvoir intervenir sur un marché, donc non stratégiques. Par exemple, pour un distributeur de produits surgelé, la gestion de la chaîne du froid constitue une compétence de base pour prétendre intervenir sur le marché. Une capacité seuil ne procure évidemment pas d’avantage stratégique. Une entreprise sans avantage stratégique notable sera évidemment vulnérable lorsque la concurrence se durcira.
L’analyse à partir du modèle VRIO constitue un état des lieux à un moment donné qui doit être régulièrement actualisé. Les efforts des concurrents existants ou nouveaux, l’évolution technologique, l’évolution des besoins de la clientèle, font qu’il est difficile d’affirmer que les compétences et ressources stratégiques actuelles le seront encore dans le futur.
Rappelons que l’analyse stratégique se compose de deux grandes étapes :
- L’analyse externe porte sur les macro-tendances et le secteur d’activité, elle permet de déterminer des opportunités et menaces ;
- L’analyse interne porte sur l’entreprise elle-même, elle débouche sur la détermination de ses forces et faiblesses à laquelle se rattache le modèle VRIO
Comprendre comment le modèle VRIO interagit avec d’autres concepts stratégiques
Le schéma de la chaîne de valeur, créé par Michael Porter, retrace l’ensemble des activités de l’entreprise qui utilisent des compétences et ressources spécifiques, que l’on confronte aux critères du modèle VRIO ;
Les facteurs clés de succès (FCS) font référence aux compétences et ressources déterminantes pour l’acquisition d’un avantage concurrentiel. Si l’entreprise maitrise cette activité mieux que ses concurrents, elle accroit son avantage concurrentiel. Si les FCS sont souvent très spécifiques à chaque métier, ils se rattachent aux fonctions classiques de l’entreprise : conception, marketing, production, commercialisation, logistique, … L'entreprise a un avantage concurrentiel si elle dispose des compétences et ressources correspondant aux FCS identifiés sur le métier.
L’identification des compétences et ressources stratégiques conduit à définir ou améliorer son modèle économique. Rappelons que le modèle économique décrit la façon dont l’entreprise s’organise pour satisfaire ses clients dans les meilleures conditions de rentabilité et de flexibilité. L’entreprise investit en priorité sur les compétences et ressources stratégiques, évite de sur investir dans les autres compétences et ressources, voire les externalise.
Le modèle VRIO conduit à déterminer les forces et faiblesses de l’entreprise qui alimentent ensuite la matrice EMOFF / SWOT.
Comment utiliser le modèle VRIO
Ce modèle sert notamment à :
- Passer en revue les compétences et ressources de l’entreprise pour repérer celles procurant un réel avantage stratégique ;
- Améliorer son modèle économique conduit à se poser la question de l’externalisation des « capacités seuil » afin d’améliorer la rentabilité et la flexibilité de l’entreprise (variabilisation des charges) ;
- Renforcer les compétences et ressources stratégiques insuffisamment exploitées pour augmenter son avantage concurrentiel ;
- Identifier de nouveaux segments d’activités pour lesquels nos compétences et ressources actuelles procureraient un avantage concurrentiel.