Comment bien négocier son salaire (ou obtenir une augmentation) ?
Avant de négocier sa rémunération, ou une augmentation de salaire, il est indispensable de se préparer. En effet, c’est tout un art. Car toute bonne négociation suppose de maîtriser certaines informations. Mais aussi d’anticiper certaines objections et de préparer l’avenir…Découvrez la stratégie pour une bonne négociation
Les principes pour bien négocier
Notre spécialiste aime comparer toute "négo" envisagée à un exercice sportif. « Négocier son salaire, ou quoi que ce soit d’autre d’ailleurs, nécessite une préparation et de l’entraînement, insiste Xavier Laure, consultant-expert et formateur chez Cegos. Et plus on pratique, plus on est bon. »
Ce dernier rappelle en effet d’entrée que l’exercice repose sur certains codes à maîtriser. « Dans une négociation, il y a toujours trois moments : la phase de consultation, celle de confrontation, puis la concrétisation. »
Et vous aurez sans doute à prendre de l’élan car une négociation peut s’étendre sur plusieurs jours, semaines, voire plus. « En résumé, avant de me lancer, je me prépare, je m’informe et je vois ce qui est possible. Ensuite, j’expose ma demande durant un entretien. Enfin, j’attends la troisième phase, avec la réponse à ma demande, qui intervient encore à un autre moment. »
Détaillons ces différentes étapes de la stratégie de négociation dans le cas où c’est une négociation salariale que l’on veut obtenir.
Première étape d’une négociation : la phase de consultation
Que l’on soit en plein recrutement ou que l’on demande une augmentation, il faut d’abord être conscient de sa valeur sur le marché du travail. « Toute négociation varie en fonction d’un contexte et d’un rapport de force qui dépendent d’éléments objectifs. Il faut donc commencer par une pré-enquête pour savoir, en externe, ce que son profil vaut sur le marché de l’emploi. Ensuite, il faut prendre en compte la taille de l’entreprise, sa santé et ses résultats. »
Même si l’argent est un sujet souvent tabou, l’intéressé peut quand même trouver des informations pour nourrir et préparer sa demande. Sur le plan externe, il pourra consulter des grilles de rémunérations établies par des cabinets de recrutement. Il est également impératif d’analyser si son profil est en tension ou pas.
Vient ensuite l’enquête interne, parfois plus délicate. « Il y a une première question à se poser, poursuit Xavier Laure. Il faut d’abord voir si son entreprise va bien et si elle communique sur ses résultats. En fonction de la taille de l’organisation, on peut aussi savoir si des représentants syndicaux ont pu négocier une augmentation globale annuelle ou pas. Et surtout, il faut voir si l’entreprise recrute. Si oui, c’est plutôt bon signe parce que la masse salariale reste la principale source de dépense d’une organisation. »
Si l’on entend négocier une augmentation, une enquête de proximité, au sein de son service, peut s’avérer utile. « Même si l’argent et le salaire restent des sujets délicats entre collègues, on peut plus aisément avoir des informations sur des augmentations obtenues, des primes ou des parts variables indexées sur des objectifs. »
Deuxième étape de la négociation : la phase de confrontation
Soignez la forme
Fort de ces éléments, le moment est venu de formuler sa demande lors d’un entretien formel, en respectant certains codes. « Il faut s’exprimer dans un cadre formel, lors d’un entretien annuel d’évaluation ou d’un rendez-vous sollicité et dédié à ce sujet en toute transparence. » En effet, si l’on espère une augmentation, rien de pire que d’interpeller son n+1 de façon inattendue autour de la machine à café…
Une fois le cadre posé, Xavier Laure invite l’intéressé à formuler sa demande clairement. « Il ne faut pas s’excuser d’être là et poser clairement ce que l’on souhaite. Il ne faut pas hésiter à avancer un chiffre, ou un pourcentage d’augmentation, exigeant mais réaliste. L’entreprise est avant tout un monde de chiffres et de compétences. Pour formuler une demande d’augmentation, il faut pouvoir s’appuyer sur des chiffres performants, rappeler en quoi sa compétence est rare et ce que l’on apporte à l’entreprise. » Autrement dit, si je suis un profil parmi dix commerciaux ou développeurs, en quoi est-ce que je sors du lot ?
Misez tout sur les faits
Pour notre expert, le mot négociation ne doit pas être galvaudé. « Souvent, je préfère parler d’argumentation, plus proche de la réalité du terrain. Car je vais mettre en valeur mes résultats. À condition bien sûr qu’ils soient supérieurs à ce qui est attendu. »
Il peut arriver que l’on soit nerveux. Dans ce cas, notre expert rappelle que l’assertivité du négociateur repose sur les arguments concrets qu’il avancera. Il faut aussi être prêt à anticiper le maximum d’objections possibles et savoir y répondre. « Il suffira d’analyser ses résultats pour rappeler quels objectifs on a atteints ou dépassés. Il y a des éléments concrets à avancer : combien de personnes j’ai recrutées, de contrats j’ai rapportés, de projets j’ai finalisés… »
Au passage, le salarié doit aussi être conscient de la position et du pouvoir réel de son interlocuteur. « Quand la discussion, comme souvent, a lieu avec son n+1, il ne sera pas forcément décisionnaire. » En revanche, il faudra lui fournir, clairement, tous les éléments nécessaires pour qu’il porte la demande auprès de la direction des ressources humaines et de son, ou sa, propre n+1. « C’est pourquoi il peut être utile, en fin d’entretien, d’envoyer un message récapitulatifà son interlocuteur pour résumer sa demande et son argumentaire. »
Troisième étape de la négociation : la phase de concrétisation (ou pas)
Dans le meilleur des mondes possibles, la négociation peut se terminer par une réponse rapide et affirmative. « Mais de façon plus réaliste, dans une négociation, il faut être en mesure d’entendre un refus à sa demande initiale,et donc anticiper des concessions. »
Pour conclure une négociation sans amertume, Xavier Laure recommande de préparer ce que l’on est prêt à accepter ou pas. « Si l’on a demandé 10 % d’augmentation de salaire, on peut se préparer à accepter 7 %, mais pas 2 %. » En cas d’échec de cette négociation, il ne s’agit pas de claquer la porte ou de se séparer fâchés. « Il faut aussi anticiper de permuter sur des éléments hors salaire plus faciles à négocier. Il faut faire la part des choses entre le salaire, contractuel, et sa rémunération globale, plus souple. » On pourra alors demander une prime, une formation, voire un aménagement du temps de travail - qui peut représenter un gain financier pour le salarié - pour retirer quelque chose de profitable de la négociation.
Mais quoi qu’il arrive, notre expert insiste pour toujours laisser une porte ouverte. « Si son interlocuteur refuse sa demande ou bien si l’entretien n’est pas satisfaisant, une bonne parade consiste à demander ce qu’il faudrait pour que la demande soit acceptée. Pour cela, il y a une question à poser : "Qu’est-ce qu’il faudrait pour que j’obtienne un oui la prochaine fois ?" C’est alors l’occasion de fixer des objectifs à atteindre afin de pouvoir revenir éventuellement en position de force quelques mois plus tard ou en début d’année prochaine. Si l’interlocuteur est toujours là, il ne pourra pas faire comme si cette conversation n’a pas eu lieu. »
Un ultime élément pertinent consiste en effet à négocier une augmentation à venir. « Je préconise de négocier pour l’année qui arrive, explique notre spécialiste. En effet, l’année qui se termine, quelque part, a déjà été négociée. Alors que l’année à venir, permet d’envisager des primes indexées aux résultats. »
Négocier, cela s’apprend et sert à tout…
Xavier Laure rappelle qu’il y a toujours beaucoup de bénéfices à retirer, y compris d’une négociation qui semble avoir échoué. « On peut convoquer l’esprit de Pierre de Coubertin. Ici l’essentiel n’est pas d’avoir participé, mais d’avoir osé demander. On n’a pas gagné cette fois, mais on aura souvent pris en confiance et gagné en expérience pour l’emporter une prochaine fois. »
En effet, négocier, cela s’apprend. Notre expert, ancien directeur commercial et formateur, est bien placé pour le savoir. « Il y a des formations adaptées à différentes techniques de vente qui peuvent servir. Mais ensuite, il faut surtout travailler sur soi, la connaissance de sa personnalité, son assertivité, la gestion de situations difficiles. »
Et, surtout, savoir négocier sert à toutes sortes de situations, dans sa vie privée autant que professionnelle. « Quelle que soit la situation, les règles restent les mêmes. Suis-je en position de force ? Qu’est-ce que mon interlocuteur a comme intérêt à accéder à ma demande ? Et si l’enjeu lui paraît faible, comment ouvrir la négociation et des choses plus accessibles ? »
3 erreurs à ne pas commettre
Pour résumer, Xavier Laure pointe trois écueils à éviter absolument.
- Dire que l’on n’a pas été augmenté depuis X temps n’est pas un argument.En dehors des augmentations générales votées dans l’entreprise, une augmentation individuelle n’est pas un dû. « Se plaindre que l’on n’a pas été augmenté depuis longtemps ou que tel collègue l’a été et pas soi, n’est pas recevable si l’on n’a pas de résultats à faire valoir. Il y a une règle simple : je ne peux pas partir en négociation salariale, si j’ai juste fait ce qu’on attend de moi… »
- Ne pas passer au-dessus de son manager direct.Il n’est pas décisionnaire ? Peu importe, sans doute sera-t-il consulté sur la question. Mieux : il peut être votre ambassadeur auprès de votre direction. « Passer au-dessus de son manager direct ou l’interpeller dans un couloir est un moyen sûr de rater une négociation. Il y a des cadres et des échelons hiérarchiques à respecter. »
- Menacer de claquer la porte. Pour Xavier Laure, les menaces de démission n’apportent jamais rien de bon. « Si on a un profil rare, normalement, son entreprise le sait et doit mesurer l’enjeu. » De même, notre expert appelle à ne pas insulter l’avenir. « Si on n’a pas eu ce que l’on souhaitait, c’est un peu comme dans la diplomatie. Il faut quand même se donner envie de se revoir. Parce qu’on va travailler ensemble. Et qu’un jour, on veut pouvoir reprendre cette négociation… »