Comment négocier face à un monopole ?
Que pouvez-vous donc négocier avec un fournisseur dont le rapport de force est en sa faveur ? La réponse est … rien ! On ne mène pas une négociation commerciale face à un véritable monopole, à moins que la question soit mal posée et ainsi le diagnostic erratique ! Commençons donc par analyser précisément la situation et à s’autoriser des solutions dans un périmètre plus large ou plus ouvert.
Typologie de monopole
Comme vous le savez, un monopole c’est quand un seul fournisseur peut vous offrir un produit ou prestation donné. Cette définition est très floue et ne permet pas d’entrevoir des solutions. Une situation monopolistique se caractérise en fait par la combinaison de 3 informations précises :
- Une entreprise
- Pour une activité
- Sur un périmètre
Ainsi, on identifie différents types de monopole permettant de déterminer la véritable cause à laquelle s’attaquer pour tenter de se sortir de cette situation inconfortable.
Le monopole légal
La loi impose qu’une seule entreprise soit autorisée à vendre 1 produit ou prestation sur son territoire ; ça a longtemps été le cas du transport sur rails, de l’acheminement du courrier, la téléphonie. Pour y échapper, il faut donc sortir du territoire ou repérer quand la loi (pilotée par une directive européenne par exemple) ne sera plus en vigueur ! Une variante est le brevet qui interdit donc à toute autre entreprise de produire une « application » spécifique dans un ou plusieurs pays.
Le monopole de fait
Pour des raisons technico-financières, une seule entreprise n’a eu les moyens de développer, produire puis mettre à disposition du marché dans une zone spécifique un produit. C’est le cas de certains médicaments qui nécessitent un savoir-faire d’un niveau très élevé, sur un temps très long, avec une prise de risque énorme et des ressources financières conséquentes. En outre, ces quelques entreprises se protègent aussi légalement (brevets) ; très difficile pour un concurrent de se lancer sur le même créneau, mais pas impossible s’il trouve des alliés, comme un client (acheteur) prêt à collaborer, c’est-à-dire à « partager » les risques.
Le monopole politique
C’est votre entreprise qui impose directement la présence d’un seul fournisseur sur un champs donné. C’est le cas des monosources :
- Les échanges intra groupe où l’on impose une filiale comme fournisseur exclusif avec des conditions tarifaires ne défiant pas toute concurrence : envisageons une action avec les auteurs de cette décision en faisant valoir les vertus de la concurrence qui existe !
- Un processus d’homologation long et coûteux induit la quasi impossibilité de sourcer de nouveaux fournisseurs : c’est donc avec la Direction Qualité qu’il faut tenter de négocier.
- Les marchés captifs piègent les acheteurs imprudents : l’achat par exemple d’une machine chez un fournisseur peut imposer la maintenance ou/et les pièces de rechange auprès de la même marque et à des prix prohibitifs bien sûr. Pour des raisons de compatibilité technique, la Direction Informatique vous impose de ne prendre que du APPLE…
- Dernière famille d’exemple : les « copains de golf » du PDG… Pour ces cas-ci, faisons d’une contrainte une opportunité, en invitant subtilement le Président à obtenir de meilleures conditions de la part de son « cher ami » dans l’intérêt de notre entreprise.
Vous voulez être un négociateur de haut niveau ? Déployer une stratégie gagnante et maîtriser toutes les techniques infaillibles ? Pour cela, vous devez, dans un premier temps, connaître sur le bout des doigts les fondamentaux de la négociation commerciale. Ensuite, découvrez la formation Négociation commerciale complexe.
Quelles stratégies envisager ?
Vous l’avez compris, c’est souvent en interne qu’il faut se tourner. La véritable négociation avec un fournisseur qui sait qu’il a le pouvoir est vouée à l’échec, à moins que vous détectiez quelques intérêts spécifiques : besoin momentané de cash, d’une nouvelle référence client (si votre entreprise a vraiment pignon sur rue), d’atomes crochus avec le vendeur, etc.
Les pistes étant très maigres, acceptez d’abandonner les négociations court-termistes. Sortez du cadre et envisagez une véritable stratégie d'achat. Voici donc quelques pistes qui peuvent fonctionner dans la plupart des cas de monopole. Le succès n’est pas garanti mais, en cas d’échec, votre entourage arrêtera de vous harceler sur votre incapacité à « négocier face à ce monopole » !
Acheter davantage
Acheter chez le même fournisseur mais pour des produits en dehors du périmètre monopolistique bien sûr et si le fournisseur a une offre correspondant à des besoins de votre entreprise. Il s’agit donc pour vous de peser plus dans la balance à euros ! Autrement dit, vous entreprenez de réaugmenter votre pouvoir de négociation.
Créer une concurrence
Incitez vos prescripteurs à travailler sur l’expression fonctionnelle du besoin afin de contourner la solution technique unique du fournisseur. Passer par exemple d’une matière métallique à un plastique, de composants très spécifiques à un sous-ensemble global, etc. Ce qui autorise à co-développer avec d’autre fournisseurs préalablement sourcés, bien sûr.
Remettre du poids
Associez-vous à d’autre acheteurs du même produit. Vous augmentez en outre votre pouvoir d’influence et agissez sur l’image du fournisseur.
Intégration verticale
Solution ultime et radicale consistant à envisager d’acheter l’activité monopolistique du fournisseur.
Action en justice
Saisissez la justice pour « exploitation abusive … d'une position dominante sur le marché » (Article L420-2 du Code de Commerce). Il s’agit plus d’une solution encore plus extrême à mener de toute façon à plusieurs.
Ces stratégies ne réussissent pas à tous les coups, mais au moins vous aurez essayé et ainsi obtenu un argument péremptoire vous autorisant à cesser l’acharnement face à plus fort que soit, du moins à court terme…
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