Définir la taille idéale de votre équipe projet
Un jour, au sein du groupe Amazon, plusieurs managers formulèrent une suggestion plutôt censée, selon laquelle il devait y avoir plus de communication entre chaque collaborateur de l’entreprise. A leur grande surprise, le fondateur et CEO Jeff Bezos se leva et déclara : « non, la communication, c’est horrible ! ».
Cette anecdote illustre la règle édictée par Bezos, selon laquelle la taille d’une équipe ne doit pas dépasser le nombre de personnes que l’on peut nourrir avec 2 pizzas (américaines, tout de même !), soit de l’ordre de 8 personnes maximum. Et Werner Vogels (CTO et VP Amazon) de renchérir avec la citation suivante : « les petites équipes sont sacrées ».
Selon eux, les petites équipes permettent de communiquer mieux avec peu de monde plutôt que beaucoup avec beaucoup de monde, de rester décentralisées, de bouger rapidement, et encouragent la forte autonomie et l’innovation. Il suffit de comparer un petit dîner entre amis à un mariage avec deux cent invités. Plus la taille du groupe augmente, plus il est difficile d’avoir une discussion profonde avec chacune des personnes présentes (ce qui explique pourquoi les invités s’agglutinent en petits groupes pour discuter.
Pourtant, de nombreux chefs de projets ou sponsors considèrent que plus on a d’équipiers dans le projet, mieux c’est. Les collaborateurs de l’entreprise sont nos meilleurs atouts, donc cumuler les atouts dans son projet devrait avoir un effet bénéfique sur son avancement, non ?
Existe-t-il des fondements scientifiques permettant d’objectiver ce dilemme ? Et la taille idéale d’une équipe projet peut-elle véritablement se mesurer en nombre de pizzas ?
Plus la taille de l’équipe augmente, plus la communication est fractionnée
Comme l’explique l’expert en dynamique de groupe J. Richard Hackman, le problème ne tient pas tant à la taille de l’équipe qu’au nombre de liens de communication générés entre les membres de l’équipe. La formule permettant de mesurer ce nombre de liens est la suivante : “N = n(n-1)/2” où n représente le nombre de parties prenantes impliquées dans le projet et N le nombre de liens.
Par exemple, dans une équipe de 6 personnes, il y a 15 canaux de communication potentiels… et dans une équipe de 12 personnes, il y en a 66 !! Le coût de coordination devient alors tellement important qu’il dégrade la productivité individuelle et collective. Comme l’explique Hackman : « plus le groupe est important, plus ses membres rencontrent de problèmes de process pour mener à bien leur travail collectif… pire, la vulnérabilité du groupe à ces difficultés augmente sensiblement en même temps que l’augmentation de sa taille. »
Les petites équipes protègent contre l’excès de confiance
Plus la taille de l’équipe est importante, plus les personnes font preuve d’excès de confiance. Tel que les chercheurs Bradley Staats , Katherine Milkman , et Craig Fox l’ont expliqué, il existe en effet une tendance pour les personnes « à sous-estimer de plus en plus le temps d’achèvement de la tâche, au fur et à mesure que la taille de l'équipe se développe ». Dans l'une de leurs expériences, ils ont découvert que lorsqu’elles étaient chargées d’assembler la même construction en Lego, des équipes de deux personnes ont pris 36 minutes pour terminer, tandis que les équipes de quatre personnes ont pris… 52 minutes, soit 44% plus longtemps ! Pourtant, les grandes équipes étaient presque deux fois plus optimistes à propos du temps que ça leur prendrait !
Une défense contre le stress et la frustration
La psychologue Jennifer Mueller remarqua, dans le cadre d’un projet de recherche, que les gens dans les grandes équipes semblaient être plus stressés. En étudiant plus de 200 collaborateurs, dans des équipes dont la taille variait de trois à dix-neuf personnes, elle a constaté que la « perte relationnelle » jouait un rôle important dans le fait que les individus se sentent mal et obtiennent de moins bons résultats au sein des grandes équipes.
La perte relationnelle est la perception que vous êtes incapable d'obtenir autant de soutien - que ce soit quelqu'un pour vous tendre la main quand vous êtes dans la panade, vous aider à résoudre les problèmes, vous fournir des informations importantes et du feedback, ou prêter une oreille attentive lorsque vous avec eu une rude journée – dans une grande équipe que dans une petite. Selon Mueller, « au sein de ces grandes équipes, les gens étaient perdus. Ils ne savaient pas à qui demander de l'aide parce qu'ils ne connaissent pas suffisamment bien les autres membres. Et même s’ils y parvenaient, ils ne sentaient pas que les autres membres étaient suffisamment engagés ou qu’ils prenaient suffisamment le temps pour les aider ».
Paradoxalement, plus il y a du monde pour vous apporter de l’aide, moins vous vous sentez dans un environnement protecteur ! A contrario, les petites équipes peuvent constituer une forme de cocon qui favorise le bien-être des équipiers.
Quelle est la taille idéale d’une équipe projet ?
Hackman préconise un chiffre magique à 5 personnes, et suggère avec ferveur de ne jamais dépasser 10.
Selon l’expert en management Bob Sutton , les U.S. Navy Seals auraient déterminé que la taille idéale pour une équipe de combat était de 4 personnes.
Le cabinet Quantitative Software Management, qui s’est spécialisé dans la conservation et l’analyse de métriques sur les projets informatique, a mesuré, sur un échantillon de 491 projets, une baisse de productivité et une augmentation de la variabilité lorsque la taille des équipes augmente, avec un décrochage assez net à partir de 7 personnes. De façon corrélée, la durée moyenne des projets augmente et l’effort de développement explose surtout au-delà de 15.
La réponse n’est donc pas uniforme (et dépendra forcément de la nature du projet, de l’expertise des équipiers….), mais un consensus émerge sur des tailles de 5 à 12 personnes.
Et vous, quelle est la taille de votre équipe, et quel est l’impact sur son efficacité ?