Une grande Ecole Française se lance dans les MOOC
Les MOOC ne constituent pas un phénomène nouveau. Ce qui l’est en revanche, c’est l’annonce faite par l’Ecole Polytechnique de rejoindre Coursera et de mettre bientôt en ligne des cours filmés. Comment analyser ce phénomène ? Pour quelle raison une grande Ecole décide t-elle de mettre à disposition gratuitement ses contenus ? Quel est le modèle économique sous-jacent ? Quels sont les enjeux politique et économique de ce phénomène ? Quelle déclinaison possible dans le monde de l’entreprise ?
L’article paru cette semaine dans le Monde (1) nous rappelle la date du démarrage des MOOC aux USA en 2011 avec l’Université de Standford et son premier cours en ligne sur l’intelligence artificielle. Elle fut suivit par les autres grandes universités américaines ce qui provoqua inquiétude et interrogation.
La France et le fleuron de son enseignement supérieur semble donc aujourd’hui franchir le pas. Pour mémoire, à l’automne dernier, le MOOC « ITyPA » de Centrale Nantes et Telecom Bretagne avait déjà constitué l’initiative la plus aboutie.
Le nouveau business model des MOOC consiste certes à mettre gratuitement en ligne les cours en entrée mais à rendre payant le diplôme ou certificat à la sortie.
Pour bien comprendre le phénomène, il faut donc prendre en considération les effets indirects de notoriété attendus de la part des universités au-delà d’une simple vision humaniste de diffusion du savoir. Une course en avant est engagée entre les Universités à l’échelle mondiale avec un enjeu fort pour les universités françaises de rendre visible leurs expertises propres.
Rattaché à cet article, un lien sur une tribune particulièrement intéressante de Dominique Boullier professeur de sociologie à Sciences Po et coordinateur scientifique du MediaLab souligne les enjeux politiques et économiques du phénomène.
Les MOOC représentent pour l’auteur une « réponse économique plus qu’éducative ». Elles accentuent la concurrence entre les universités et entre les étudiants alors que « l’enjeu de l’éducation de demain n’est pas de développer un enseignement massif et formaté, mais de développer un enseignement distribué et collaboratif ».
Cette dernière vision remet en lumière à minima trois problématiques opérationnelles dans la perspective de la déclinaison de cette approche dans le monde de l’entreprise :
Définir en priorité un projet pédagogique
La première mise en garde à retenir concerne la primauté du projet pédagogique par rapport aux considérations techniques et technologiques des MOOC. Et l’auteur de rappeler la vague précédente des années 90 des plateformes LMS et de leur « l’échec commercial patent lorsqu’elles furent développées de façon suiviste et sans principes pédagogiques ». Dans le monde de l’entreprise, il est aisé de constater les limites d’une consommation ouverte de catalogue E Learning sur étagère répondant à une logique exclusive de formation de masse.
L’accompagnement des apprenants
Le deuxième point de vigilance concerne l’accompagnement des apprenants dans les dispositifs pédagogiques. En effet puisque l’accès à l’information est facilité et les contenus eux-mêmes d’ores et déjà de plus en plus répandus, l’enjeu pédagogique est de faciliter les processus de connaissance et d’acquisition de savoir.
Les plateformes et les MOOC représentent une opportunité nouvelle basée sur la production et le partage de connaissances des apprenants. Mais celle-ci devra être guidée et promouvoir une démarche critique de constitution du savoir. C’est notamment en rappelant l’importance de la scénarisation des parcours pédagogiques que sera évité l’écueil d’un mode majoritairement passif de diffusion du savoir pour des MOOC limités par exemple majoritairement à la diffusion de vidéos.
L’engagement des apprenants eux-mêmes et le sens des formations
Cette question de l’accompagnement renvoie également à celle de l’engagement en formation des apprenants eux-mêmes. Une Responsable Formation d’une grande entreprise me faisait part d’un constat simple : le e-learning et les solutions de développement à distance fonctionnent dans le cadre de certification ou lorsqu’ils font l’objet d’accompagnement de la part des managers. Dans le premier cas des certifications, le sens et l’engagement individuel apparaît comme une donnée d’entrée et autorise de façon plus évidente l’utilisation de méthodes requérant des temps d’auto formation.
L’efficacité de dispositif de formation à distance intégrant e-learning, vidéo et auto formation parait cependant moins acquise dans le cadre de formations issues du plan de formation général de l’entreprise.
Pour conclure, les MOOC prennent appui sur l’initiative et l’autonomie des salariés ce qui implique de donner du sens, de guider les apprenants au travers d’une scénarisation pédagogique renouvelée et de créer les conditions de l’engagement de chacun. Pour éviter un simple nouvel effet de mode…
(2) http://www.internetactu.net/2013/02/20/mooc-la-standardisation-ou-linnovation/
Lien avec les autres articles sur les MOOC paru sur ce blog.
http://www.formation-professionnelle.fr/2013/01/21/etes-vous-un-formateur-connectiviste/
http://www.formation-professionnelle.fr/2013/01/14/les-tendances-e-learning-2013/
http://www.formation-professionnelle.fr/2012/10/15/vers-une-democratisation-du-e-learning/