La question-paradoxe pour aborder les sujets sensibles
Il y a ce sujet un peu tabou que nous n’osons pas aborder en réunion de peur d’avoir à gérer des oppositions fortes. Pourtant, nous avons conscience qu’il faudra bien le traiter un jour ou l’autre. Et que plus nous tardons, plus la situation sera tendue. Dans ce contexte, la question-paradoxe est un outil précieux.
La question-paradoxe : comment trouver la bonne interrogation ?
Imaginons que vous vouliez lancer un projet, et que certaines remarques entendues au détour de conversations informelles vous laissent penser que cette décision est impopulaire. Vous appréhendez votre prochaine réunion, au cours de laquelle vous avez prévu d’annoncer le lancement dudit projet. Pour trouver votre question-paradoxe, allez dans le sens de l’opposition. Pour cela, prenez le temps d’aller à la rencontre de quelques personnes pour sonder les avis, comprendre ce qui peut provoquer le rejet du projet. Puis, formalisez une question qui synthétise les obstacles entendus.
« Qu’est-ce qui fait que ce projet est voué à l’échec ? » ou « qu’est-ce qui fait que ce projet ne passera jamais auprès des équipes ? ».
La formule doit être brève, facilement compréhensible.
Au besoin, ajustez votre question-paradoxe avec des personnes extérieures à la réunion, en leur faisant jurer de garder le secret ! En annonçant la question-paradoxe de façon cash en début de réunion, vous provoquez la surprise plus que la résistance. Vous ne niez pas les difficultés, au contraire, vous les embrassez. Les opposants se sentent pris en compte. Même s’ils ne changeront pas d’avis tout de suite, voire pas du tout, ils se montreront plus coopératifs. Ne serait-ce que parce qu’ils se sentiront associés au processus de décision.
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Comment animer la séquence avec la question-paradoxe ?
Introduisez le sujet de la réunion de façon très synthétique (nous allons parler de tel sujet / du projet X) en avouant d’emblée qu’il est délicat. Enchaînez tout de suite avec la méthode, sans argumenter sur les enjeux : « c’est pourquoi je vous propose de le traiter en répondant à cette question… ». Projetez alors votre question-paradoxe. Vous pouvez même, si vous vous sentez plus à l’aise, projeter votre question-paradoxe avant d’introduire le sujet ! Animez ensuite la séquence de réponse à la question en évitant le débat « tour de table », qui risquerait de donner une place surdimensionnée aux opposants. Utilisez des techniques coopératives favorisant l’expression de chacun plutôt que de quelques-uns. Structurez les échanges de telle sorte que le livrable ressemble à une liste écrite d’obstacles bien identifiés (les post-it regroupés par thématiques marchent très bien pour ce genre de cas).
Si les obstacles sont nombreux, utilisez le vote par gommettes pour mettre en exergue les plus pénalisants. Terminez cette séquence par une synthèse des obstacles probables au projet, et remerciez les participants de ces nécessaires alertes. Bien sûr, il ne s’agit pas d’arrêter la réunion ici. Car si la décision est malgré tout de lancer le projet, vous risquez un rejet encore plus fort. Vos participants penseront que vous leur avez demandé leur avis pour ne pas en tenir compte !
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Comment exploiter le résultat ?
Réservez du temps dans la même réunion pour une séquence d’exploitation positive du résultat de la question-paradoxe. Prenez les principaux obstacles et faites travailler les participants de la réunion en petits groupes pour trouver des antidotes. Découpé en petit morceaux (en obstacles unitaires) ce qui paraissait insurmontable devient digeste. Faites tourner les groupes sur les différents obstacles pour croiser les points de vue, les expertises et enrichir les idées.
Vous pouvez favoriser la créativité des groupes en reformulant l’obstacle sous forme de défi créatif : « Comment faire pour annoncer le projet aux équipes tout en les sécurisant sur leur avenir ? ». Le « comment faire pour… » associé au « tout en… » rassure les opposants sur la prise en compte de leur avis. Ils mettent leurs neurones au service de la créativité et de la recherche de solution plutôt qu’à la recherche d’objections. Sélectionnez les idées les plus prometteuses avec le groupe.
Là encore, un vote par gommette peut s’avérer utile pour que la voix de chacun soit prise en compte. Si un comité de pilotage ou de direction doit prendre une décision à la suite de ces travaux, annoncez clairement comment ces idées lui seront présentées. Et lorsque la décision sera prise, organisez une nouvelle réunion pour annoncer et expliciter les idées retenues. Sachez alors aussi expliquer pourquoi certaines idées n’ont pas pu l’être.