Ce que la méthode Agile peut apporter aux projets de formation
Le pilotage des projets de formation est de plus en plus complexe. Le recours à différentes modalités (présentiel, vidéos, modules à distance, classes virtuelles …) associant différents prestataires, internes ou externes, le déploiement international, les contraintes opérationnelles sur le déploiement, sont autant de facteurs de complexité. Sans compter les changements de commanditaire, les revirements d’orientations et autres aléas …
Les méthodes « classiques » de gestion de projet restent utiles, mais peuvent ne plus être suffisantes. La méthode « Agile »peut nous apporter des réflexes utiles. J’ai recouru à mon collègue François Debois, spécialiste de la gestion de projet et de l’innovation et auteur du blog du Chef de projet, pour voir en quoi cette méthode peut s’appliquer aux projets de formation.
La méthode « classique » : toujours valable … dans un univers stable
L’approche traditionnelle est dite en « V ». Le bas du V est le développement technique. La droite du V est une phase de test et de déploiement.
Les étapes s’enchaînent logiquement. On ne passe à l’étape suivant qu’après validation des livrables de la précédente. Le respect du planning est piloté au travers d’outils de type GANTT.
C’est une approche solide, pertinente. Mais elle suppose que les commanditaires soient suffisamment mûrs dans leur démarche, qu’ils ne changent pas d’avis en cours de route ... Ainsi, il peut arriver que des commanditaires valident le cahier des charges, mais sans se faire une représentation concrète du livrable final. Ou du moins, pas la même représentation que celle du chef de projet …
Et que finalement ils se rendent compte que la formation conçue ne correspond pas à leur besoin.
Ceci génère des itérations qui n’étaient pas souhaitées : perte de temps, d’argent, voire de motivation.
La méthode Agile : de sprint en sprint
Devin Deen, dans la vidéo embarquée dans le billet « Le management de projet Agile en moins de 3 minutes », donne les caractéristiques des projets pour lesquels la méthode Agile est adaptée :
- les demandeurs ne savent pas exactement ce qu’ils veulent
- Leurs priorités sont changeantes
- Une équipe inter-fonctionnelle peut travailler en mode collaboratif sur ce projet
Avez-vous déjà regardé un match de rugby ? Les passes se font tantôt en arrière, tantôt en avant, ou sur le côté, selon la configuration du moment … C’est ce qui a inspiré la méthode Agile : elle structure des itérations plutôt que de les subir. Elle crée des boucles de rétroaction.
Il y a toujours une phase amont de maquettage du projet : l’utilisateur indique son besoin, les fonctionnalités et livrables qu’il attend, et surtout ses priorités.
Le processus est ensuite, lors d’une première réunion d’équipe, structuré en sprints, c’est-à-dire en mini projets, d’une durée de 1 à 4 semaines.
Plutôt que de chercher à tout spécifier dans le cahier des charges, à tout développer d’un coup, on commence par développer le plus important pour le client.
Par exemple, pour un projet de formation à la vente, si l’objectif prioritaire est « traiter les objections », il sera traité en sprint 1 et testé immédiatement. Le « product owner », qui est extérieur à l’équipe projet et représente les intérêts du / des « clients » du projet pourra ainsi valider si le résultat correspond aux besoins. A tout moment, il peut redéfinir les livrables attendus des sprints suivants, décider d’arrêter un sprint si son livrable est devenu sans objet …
Les difficultés sont adressées dès le début. Par exemple, si un enjeu fort du projet est son acceptation par les utilisateurs tchèques, le développement se fera d’abord avec eux.
Le processus de suivi est très étroit, avec une réunion quotidienne de 5 mn de l’équipe projet, et il donne du pouvoir à l’utilisateur.
Si le contenu des sprints est mouvant, l’échéance finale est intangible. Le risque est de manquer d’approche systémique, de trop séquencer. C’est pourquoi il est important, lors de la première réunion d’équipe, de valider le schéma d’ensemble.
Je cite François Debois : « le principe inspirant est de dire : quand vous êtes en univers incertain, structurez des livrables productibles rapidement ».
Pour que cela fonctionne, il faut que le client accepte le principe de la co-construction. Par exemple, qu’il accepte des livrables imparfaits, qui seront améliorés après une phase de test.
Un exemple d’application
Florence Labord, dans son Livre Blanc « Un projet e-learning en coopétition en Languedoc Roussillon, essai de modélisation et retour de pratiques (ExpertWeb.fr) montre comment des principes fondamentaux de la méthode Agile peuvent aider un projet d’ingénierie de formation à réussir.
Je reprends quelques citations du livre blanc qui de mon point de vue illustrent bien l’intérêt de la méthode :
- « (…) on plonge les mains dans le cambouis immédiatement en acceptant que les productions finales ne soient pas des objets parfaits, mais correspondent au maximum aux attentes des bénéficiaires finaux et aux objectifs quantitatifs et qualitatifs fixés au départ dans le cahier des charges.
- A l’issue des productions, le feed-back obtenu grâce à la phase de test permet de réajuster rapidement ».
Florence Labord explicite pas à pas les ingrédients de la démarche adoptée, pour un projet commandité par 7 organismes de formation de la région Languedoc Roussillon. La finalité était de délivrer les formations en mode « blended », intégrant 20 à 30% de e-learning.
Parmi les points clés de la démarche, voici ceux que je retiens comme représentatifs des apports de la méthode Agile :
Un cadrage qui donne les livrables attendus
- Il y a bien un cadrage d’origine : « pour chaque sujet », « les objectifs pédagogiques et les éléments clés sont définis au préalable ». « Les modules et séquences nécessaires, et les grains pédagogiques, sont identifiés dans chaque thématique au démarrage »
- Des process sont adoptés au sein des équipes, sur la méthodologie de production, les éléments media et le design pédagogique, les processus de révision, validation, diffusion ..
Une démarche itérative
- Les livrables produits sont déployés sur la LCMS pour une phase de tests, suivie d’une phase de révision.
- En réunion mensuelle, le comité de pilotage réajuste les décisions au vu des succès et difficultés rencontrées.
- Avant publication et distribution des productions, le projet et les contenus sont évalués. Cela permet de redéfinir les objectifs pour les projets à venir.
L’implication des utilisateurs
- Le souci de donner du pouvoir (« empowerment ») aux utilisateurs finaux est constant.
- Durant la phase de tests ce sont les utilisateurs qui évaluent qualitativement les parcours et font des remarques.
- Ce sont ces retours qui permettent aux concepteurs d’améliorer progressivement la qualité de leur conception pédagogique.
La coopération et l’accompagnement
- L’apprentissage entre pairs est facilité. On accepte que les membres de l’équipe ne soient pas de degré d’expertise égale. L’échec est « vécu comme une source d’apprentissage ».
- Un tutorat permet d’accompagner la montée en compétences des concepteurs.
- Les outils collaboratifs de la LCMS favorisent l’émergence d’une « communauté virtuelle de projets ».
- La formation (à la conception rapid learning, au rich media …) se fait à propos d’une production correspondant à des besoins réels.
- Dans chaque organisation, les experts métiers qui ont produit la « première vague » de livrables deviennent les tuteurs des experts métiers de la deuxième vague.
Et vous, quelles sont vos méthodes pour piloter au mieux vos projets de formation ? A vos commentaires !
Pour aller plus loin
Formation : Obtenir la Certification AgilePM® - Agile Project Management Foundation